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16 LETTRES A SES COMMETTANS ouverte à tous les hommes, et je tracerai le tableau fidèle des opérations de l’assemblée qui doit rédiger les lois du peuple français ; j’exposerai à vos yeux les ressorts de tous les grands événemens qui doivent fixer la destinée de la France et du monde ; je vous ferai même parcourir le Dédale, où l’intrigue cherche, depuis trop long-tems, à égarer la liberté. Je défendrai sur-tout ces maximes immuables, ces principes fondamen- taux de l’ordre social, éternellement reconnus, et éternellement violés, que le charlatanisme ne cesse d’obscurcir, et que l’ambition s’efforce d’effacer. J’oserai même appeler quelquefois à l’opinion publique et à la postérité des funestes décisions, qu’ils pourroient arracher à l’erreur ou aux préjugés. Les amis éclairés du bien public cherchent, dans cette foule de papiers qui inondent les quatre-vingts-trois départemens, les principes, la raison, la vérité ; et ils ne trouvent dans la plupart, que la passion, l’esprit de parti, des flagorneries étemelles pour les idoles que l’on veut accréditer, des calomnies intarissables contre tous les patriotes que l’on hait, ou que l’on redoute. Tous les bons citoyens désirent de voir éclore des écrits véridiques, qui puissent offrir le contrepoison de ces impos- tures périodiques. Peut-être remplirai-je, en partie, leur vœu. Je vous présenterai aujoxu-d’hui quelques idées sur votre situation actuelle, sur les principes qui doivent guider vos représentans dans la carrière où vous les appelez, et qui doivent vous diriger vous-mêmes dans l’examen du pacte social qui sera soumis à votre sanction. La royauté est anéantie ; la noblesse et le clergé ont disparu ; et le règne de l’égalité commence. Ces grandes conquêtes de la liberté sont le prix de votre courage et de vos sacrifices, l’ouvrage des vertus et des vices, des lumières et de l’ignorance de vos premiers représentans, le résultat des crimes et de l’impéritie de vos tyrans. Les rois de l’Europe tournent contre vous leurs armes sacrilèges ; mais ce n’est que pour vous préparer de nouveaux triomphes. Déjà ils expient cet attentat de honteux revers ; et si vos chefs savent tirer parti de votre puissance et de votre enthousiasme, il est impossible à l’imagination même de mesurer l’étendue de la glorieuse carrière que le génie de l’humanité ouvre devant vous. Protégés par la force de vos armes, environnés de vos vœux et de votre confiance, vos nouveaux représentans peuvent vous donner, à loisir, le plus heureux de tous les gouvernemens ; et cet ouvrage ne peut être ni long, ni difficile. Depuis que la royauté est abolie, depuis que l’égalité politique est rétablie, la constitution provisoire, purgée de ces deux vices essentiels, vous élève déjà au-dessus de tous les peuples que les nations esclaves ont appelés libres. Telle est la solidité des fondemens sur lesquels repose ce grand édifice ; telle est la beauté de plusieurs de ses parties demeurées intactes, qu’il reste peut-être beaucoup moins à faire qu’on ne pense, aux nouveaux architectes. Perfectionner, d’après des principes reconnus, l’organisation et la distribution de quelques autorités constituées ; tempérer l’aristocratie représentative par un. petit nombre d’institutions nouvelles, qui en imposent à la corruption, et assurent le maintien des droits du souverain ; voilà, peut-être, le seul mérite et la seule tâche de la Convention nationale. Il me semble du moins que nous sommes dans une situation assez heureuse, pour pouvoir, dans l’espace de quelques mois, cimenter la liberté de notre pays par un gouvernement juste, sans avoir même le droit de prétendre au titre de sublimes politiques, ni de législateurs prodigieux.