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Séance du 8 thermidor An II

conspire donc. Le commissaire du mouvement des armées de terre s’enveloppe d’obscurité[1] ; on éloigne de Paris les canonniers[2] ; on cherche à s’emparer de tout : donc on conspire.

Robespierre termine en protestant de nouveau qu’en publiant ces vérités, il n’a voulu que servir la patrie.

(Une discussion très vive s’est aussitôt élevée sut ce discours, dans lequel les Comités de salut public et de sûreté générale semblaient gravement inculpés : on en a demandé l’impression.)

Bourdon (de l’Oise) objecte que les faits dont on vient de donner connoissance, sont trop importants pour ne pas mériter auparavant un examen approfondi.

Un autre membre insiste pour l’impression.

Barère l’appuie en observant que dans un pays libre tout doit être public, et l’impression est décrétée.»

Abréviateur universel, t. V., n° 573, p. 2292.

«Robespierre prend la parole, se plaint de calomnies répandues contre lui, de faux bruits, de listes de proscription, de terreurs tellement accrues que plusieurs représentans du peuple ne restent pas chez eux la nuit ; d’imputations de dictature. L’orateur observe que les mêmes propos sont tenus contre lui & contre la Convention que les malveillans cherchent à décrier, à diviser pour la perdre, qu’ils appellent les armées françoises, les hordes conventionnelles, & la Révolution, le Jacobinisme ; que s’il étoit un tyran, les tyrans lui prodigueroient leurs secours. Il ajoute : «Les agens de nos plus cruels ennemis pénètrent jusques dans le Comité de sûreté générale & répondent aux plaintes des citoyens : que Voulez-vous ? nous ne pouvons rien ; c’est à Robespierre que vous devez vous en prendre». Il reproche à ces agens de ne livrer au glaive des loix que les conspirateurs que l’étranger y livre sans regret & cite un passage d’un écrit trouvé dans les papiers d’un conspirateur dont l’échaffaud a fait justice, où on le traite, dit-il, d’astucieux démagogue sans lequel la nation seroit libre, la pensée n’auroit plus d’entraves, & l’on n’auroit jamais vu tant de jugemens à mort, que cet écrit qualifie d’assassinats.

Passant à la situation de la République, Robespierre dit que les deux Comités renferment les colonnes de la liberté, mais que la majorité y est opprimée, paralysée ; qu’on se cache, qu’on dissimule, que conséquemment on conspire ; que le décret sur les Anglois ne s’exécute point, qu’on s’amuse à planter dans la Belgique des arbres stériles de la liberté au lieu d’y cueillir les fruits de la victoire ; que, depuis quatre décades, il s’est vu forcé de renoncer à ses fonctions ; que le commissaire

  1. Allusion à Pille. Voir ci-dessus, 28 messidor (n° 138, 2e intervent.).
  2. Le 5 thermidor, le C. de S.P. arrêta notamment que les compagnies de canonniers de 4 sections parisiennes partiront pour la frontière du Nord.