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Les discours de Robespierre

Le gouvernement révolutionnaire a sauvé la patrie ; il faut le sauver lui-même de tous les écueils ; ce serait mal conclure de croire qu’il faut le détruire par cela seul que les ennemis du bien public l’ont d’abord paralysé, et s’efforcent maintenant de le corrompre. C’est une étrange manière de protéger les patriotes de mettre en liberté les contre-révolutionnaires, et de faire triompher les fripons ! C’est la terreur du crime qui fait la sécurité de l’mnocence.

Au reste je suis loin d’imputer les abus à la majorité de ceux à qui vous avez donné votre confiance, la majorité est elle-même paralysée et trahie ; l’intrigue et l’étranger triomphent. On se cache, on dissimule, on trompe ; donc on conspire. On était audacieux, on méditait un grand acte d’oppression, on s’entourait de la force pour comprimer l’opinion publique après l’avoir irritée[1] ; on cherche à séduire les fonctionnaires publics dont on redoute la fidélité ; on persécute les amis de la liberté : on conspire donc. On devient tout à coup souple et même flatteur ; on sème sourdement des insinuations dangereuses contre Paris ; on cherche à endormir l’opinion publique ; on calomnie le peuple ; on érige en crime la sollicitude civique ; on ne renvoie point les déserteurs, les prisonniers ennemis, les contre-révolutionnaires de toute espèce qui se rassemblent à Paris, et on éloigne les canonniers, on désarme les citoyens ; on intrigue dans l’armée ; on cherche à s’emparer de tout : donc on conspire. Ces jours derniers on chercha à vous donner le change sur la conspiration ; aujourd’hui, on la nie ; c’est même un crime d’y croire. On vous effraie, on vous rassure tour à tour : la véritable conspiration, la voilà.

La contre-révolution est dans l’administration des finances. Elle porte toute sur un système d’innovation contre-révolutionnaire, déguisé sous le dehors du patriotisme. Elle a pour but de fomenter l’agiotage, d’ébranler le crédit public en déshonorant la loyauté française, de favoriser les riches créanciers, de ruiner et de désespérer les pauvres, de multiplier les mécontents, de dépouiller le peuple des biens nationaux, et d’amener insensiblement la ruine de la fortune publique. Quels sont les administrateurs suprêmes de nos finances ? Des brissotins, des feuillants, des aristocrates et des fripons connus ; ce sont les Cambon, les Mallarmé, les Ramel ; ce sont les compagnons et les successeurs de Chabot, de Fabre et de Julien (de Toulouse). Pour pallier leurs pernicieux desseins, ils se sont avisés dans les derniers temps de prendre l’attache du Comité de salut public, parce qu’on ne doutait pas que ce Comité, distrait par tant et de si grands travaux, adopterait de confiance, comme il est arrivé quelquefois, tous

  1. Ligne raturée : « On calomniait o’avance l’indignation publique qu’on 8e préparait à exciter. » (Note orig.)