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Les discours de Robespierre

des roses ? Hier ils croyaient aux conspirations : je déclare que j’y crois dans ce moment. Ceux qui vous disent que la fondation de la République est une entreprise si facile, vous trompent, ou plutôt ils ne peuvent tromper personne. Où sont les institutions sages, où est le plan de régénération qui justifient cet ambitieux langage ? S’est-on seulement occupé de ce grand objet ? Que dis-je, ne voulait-on pas proscrire ceux qui les avaient préparées ? On les loue aujourd’hui parce qu’on se croit plus faible : donc on les proscrira encore demain, si on devient plus fort. Dans quatre jours, dit-on, les injustices seront réparées : pourquoi ont-elles été commises impunément depuis quatre mois ? et comment, dans quatre jours, tous les auteurs de nos maux seront-ils corrigés ou chassés ? On vous parle beaucoup de vos victoires[1] avec une légèreté académique qui ferait croire qu’elles n’ont coûté à nos héros ni sang ni travaux : racontées avec moins de pompe, elles paraîtraient plus grandes. Ce n’est ni par des phrases de rhéteur, ni même par des exploits guerriers, que nous subjuguerons l’Europe, mais par la sagesse de nos lois, par la majesté de nos délibérations, et par la grandeur de nos caractères. Qu’a-t-on fait pour tourner nos succès militaires au profit de nos principes, pour prévenir les dangers de la victoire, ou pour nous en assurer les fruits ? Surveillez la victoire ; surveillez la Belgique. Je vous avertis que votre décret contre les Anglais a été éternellement violé ; que l’Angleterre, tant maltraitée par nos discours, est ménagée par nos armes. Je vous avertis que les comédies philantropiques jouées par Dumouriez dans la Belgique sont répétées aujourd’hui ; que l’on s’amuse à planter des arbres stériles de la liberté dans un sol ennemi, au lieu de cueillir les fruits de la victoire, et que les esclaves vaincus sont favorisés aux dépens de la République victorieuse. Nos ennemis se retirent, et nous laissent à nos divisions intestines. Songez à la fin de la campagne ; craignez les factions intérieures ; craignez les intrigues favorisées par l’éloignement dans une terre étrangère. On a semé la division parmi les généraux ; l’aristocratie militaire est protégée ; les généraux fidèles sont persécutés ; l’administration militaire s’enveloppe d’une autorité suspecte ; on a violé vos décrets pour secouer le joug d’une surveillance nécessaire. Ces vérités valent bien des épigrammes.

Notre situation intérieure est beaucoup plus critique. Un système raisonnable de finances est à créer : celui qui règne aujourd’hui est mesquin, prodigue, tracassier, dévorant, et dans le fait absolument indépendant de votre surveillance suprême. Les relations extérieures sont absolument négligées ; presque tous les agents employés chez les puissances étrangères, décriés par leur incivisme, ont trahi ouvertement la République avec une audace impunie jusqu’à ce jour.

  1. Ligne raturée : « Avec des récits moins pompeux elles paraîtraient plus grandes. » (Note orig.)