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Séance du 8 thermidor An II

voir cette horrible succession de trmtres plus ou moins habiles à cacher leur âme hideuse sous le voile de la vertu, et même de l’amitié, mais qui tous laisseront à la postérité l’embarras de décider lequel des ennemis de mon pays fut le plus lâche et le plus atroce ? En voyant la multitude des vices que le torrent de la révolution a roulés pêlemêle avec les vertus civiques, j’ai craint quelquefois, je l’avoue, d’être souillé aux yeux de la postérité par le voisinage impur des hommes pervers qui s’introduisaient parmi les sincères amis de l’humanité, et je m’applaudis de voir la fureur des Verres et des Catilina de mon pays tracer une ligne profonde de démarcation entre eux et tous les gens de bien[1]. J’ai vu dans l’histoire tous les défenseurs de la liberté attaqués par la calomnie ; mais leurs oppresseurs sont morts aussi ! Les bons et les méchants disparaissent de la terre, mais à des conditions différentes. Français, ne souffrez pas que vos ennemis osent abaisser vos âmes (et abreuver vos vertus)[2] par leur désolante doctrine. Non, Chaumette, non[3], la mort n’est pas un sommeil éternel. Citoyens, effacez des tombeaux cette maxime[4] gravée par des meiins sacrilèges qui jette un crêpe funèbre sur la nature, qui décourage l’innocence opprimée, et qui insulte à la mort. Gravez-y plutôt celle-ci : la mort est le commencement de l’immortalité.

J’ai promis, il y a quelque temps de laisser un testament redoutable aux oppresseurs du peuple. Je vais le publier dès ce moment avec l’indépendance qui convient à la situation oii je me suis placé : je leur lègue la vérité terrible, et la mort !

Représentants du peuple français, il est temps de reprendre la fierté et la hauteur du caractère qui vous conviennent. Vous n’êtes pas faits pour être régis, mais pour régir les dépositaires de votre confiance : les hommages qu’ils vous doivent ne consistent pas dans de vaines flagorneries, dans ces récits flatteurs, prodigués aux rois par des ministres ambitieux, mais dans la vérité, et surtout dans le respect profond pour vos principes. On vous a dit que tout est bien dans la République : je le nie. Pourquoi ceux qui, avant-hier, vous prédisaient tant d’affreux orages ne voyaient-ils plus hier que des nuages légers ? Pourquoi ceux qui vous disaient naguère : je vous déclare que nous marchons sur des volcans, croient-ils ne marcher aujourd’hui que sur (1)

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  1. Lignes raturées : « Qu’ils me préparent la ciguë ; je l’attendrai sur ces sièges sacrés, je léguerai du moins à ma patrie l’exemple d’un constant amour pour elle, et aux ennemis de l’humanité l’opprobre et la mort. » (Note orig.) ; Sorb (add. en marge) : « Je conçois qu’il est facile à la ligue des tjrrans du monde, d’accabler un seul homme ; mais je sais aussi quels sont les devoirs d’un homme qui peut mourir en défendant la cause du genre humain. »
  2. Le passage entre () n’existe pas dans Sorb. D’autre part, sans doute faut-il lire « énerver » au lieu d’ « abreuver ».
  3. Sorb. : « … Non, Fouché. »
  4. Sorb. : « impie ».