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Séance du 8 thermidor An II

de la Convention, se trouvent-ils ligués avec eux contre les patriotes qu’on veut perdre ? Les lâches ! ils voulaient donc me faire descendre au tombeau avec ignominie ! Et je n’aurais laissé sur la terre que la mémoire d’un tyran ! Avec quelle perfidie ils abusaient de ma bonne foi ! Comme ils semblaient adopter les principes de tous les bons citoyens ! Comme leur feinte amitié ét£iit naïve et caressante ! Tout à coup leurs visages se sont couverts des plus sombres nuages ; une joie féroce brillait dans leurs yeux ; c’était le moment où ils croyaient leurs mesures bien prises pour m’accabler. Aujourd’hui, ils me caressent de nouveau ; leur langage est plus affectueux que jamais ; il y a trois jours, ils étaient prêts à me dénoncer comme un Catilina ; aujourd’hui, ils me prêtent les vertus de Caton. Il leur faut du temps pour renouer leurs trames criminelles. Que leur but est atroce ! mais que leurs moyens sont méprisables ! Jugez-en par un seul trait. J’ai été chargé momentanément, en l’absence d’un de mes collègues, de surveiller un bureau de police générale, récemment et faiblement organisé au Comité de salut public. Ma courte gestion s’est bornée à provoquer une trentaine d’arrêtés, soit pour mettre en liberté des patriotes persécutés, soit pour s’assurer de quelques ennemis de la Révolution. Eh bien ! croira-t-on que ce seul mot de police générale a servi de prétexte pour mettre sur ma tête la responsabilité de toutes les opérations du Comité de sûreté générale, des erreurs de toutes les autorités constituées, des crimes de tous nos ennemis[1]  ? Il n’y a peut-être pas un individu arrêté, pas un citoyen vexé à qui l’on n’ait dit de moi : Voilà l’auteur de tes maux ; tu serais heureux et libre, s’il n’existait plus[2]. Comment pourrais-je ou raconter ou deviner toutes les espèces d’impostures qui ont été clandestinement insinuées soit dans la Convention nationale, soit ailleurs, pour me rendre odieux ou redoutable ? Je me bornerai à dire que depuis plus de six semaines, la nature et la force de la calomnie, l’impuissance de faire le bien et d’arrêter le mal, m’ont forcé à abandonner absolument mes fonctions de membre du Comité de salut public, et je jure qu’en cela même je n’ai consulté que ma raison et ma patrie. Je préfère ma qualité de représentant du peuple à celle de membre du Comité de salut public, et je mets ma qualité d’homme et de citoyen français avant tout.

Quoi qu’il en soit, voilà au moins six semaines que ma dictature est expirée, et que je n’ai aucune espèce d’influence sur le gouvernement. Le patriotisme a-t-il été plus protégé ? les factions plus timides, la patrie plus heureuse ? Je le souhaite. Mais cette influence s’est bornée dans tous les temps à plaider la cause de la patrie devant la représentation nationale et au tribunal de la raison publique ; il m’a été permis de combattre les factions qui vous menaçaient ; j’ai voulu

  1. Sorb. : « mes ennemis ».
  2. La suite, jusqu’à : « avant tout » ne figure pas dans l’ex. de la Sorbonne.