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Séance du 8 thermidor An II

et la liberté de notre pays ?[1] On arrive à la tyrannie par le secours des fripons ; où courent ceux qui les combattent ? Au tombeau et à l’immortalité. Quel est le tyran qui me protège ? Quelle est la faction à qui j’appartiens ? C’est vous-mêmes. Quelle est cette faction qui depuis le commencement de la Révolution a terrassé les factions, a fait disparaître tant de traîtres accrédités ? C’est vous, c’est le peuple, ce sont les principes. Voilà la faction à laquelle je suis voué, et contre laquelle tous les crimes sont ligués.

C’est vous qu’on persécute, c’est la patrie, ce sont tous les amis de la patrie. Je me défends encore. Combien d’autres ont été opprimés dans les ténèbres ? Qui osera jamais servir la patrie, quand je suis obligé ici de répondre à de telles calomnies ? Ils citent comme la preuve d’un dessein ambitieux les effets les plus naturels du civisme et de la liberté ; l’influence morale des anciens athlètes de la Révolution est aujourd’hui assimilée par eux à la tyrannie. Vous êtes vous-mêmes les plus lâches de tous les tyrans, vous qui calomniez la puissance de la vérité ! Que prétendez-vous, vous qui voulez que la vérité soit sans force dans la bouche des représentants du peuple français ? La vérité, sans doute, a sa puissance, elle a sa colère, son despotisme ; elle a des accents touchants, terribles, qui retentissent avec force dans les cœurs purs comme dans les consciences coupables, et qu’il n’est pas plus donné au mensonge d’imiter qu’à Salomé d’imiter les foudres du ciel ; mais accusez-en la nature, accusez-en le peuple, qui la veut et qui l’aime[2] .

Il y a deux puissances sur la terre, celle de la raison et celle de la tyrannie ; partout où l’une domine, l’autre en est bannie. Ceux qui dénoncent comme un crime la force morale de la raison cherchent donc à rappeler la tyrannie. Si vous ne voulez pas que les défenseurs des principes obtiennent quelque influence dans cette lutte difficile de la liberté contre l’intrigue, vous voulez donc que la victoire demeure à l’intrigue[3]. Si les représentants du peuple qui défendent sa cause ne peuvent pas obtenir impunément son estime, quelle sera la conséquence de ce système, si ce n’est qu’il n’est plus permis de servir le

  1. Lignes raturées : « Qui suis-je ? un esclave de la patrie, un martyr vivant de la République, la victime et le fléau du crime. Tous les fripons m’outragent : les actions les plus indifférentes sont pour moi des crimes : il suffit de me connaître pour être calomnié ; on pardonne aux autres leurs forfaits. On me fait un crime de mon zèle pour la patrie. Otez-moi ma conscience, je suis le plus malheureux de tous les hommes. » Plusieurs de ces pensées, exprimées dans les mêmes termes se retrouvent plus loin dans le texte à la page 19. (Note orig.) (Cf. ci-après, p. 556).
  2. Lignes raturées : « Sans elle quel obstacle s’opposait au triomphe de l’imposture et dE l’intrigue ? » (Note orig.)
  3. Lignes raturées : « Plus le peuple est éclairé et juste, plus la justice et les principes ont d’empire sur lui, et plus ceux qui les défendent obtiennent cette sorte de confiance attachée à la probité ; ceux qui s’indignent de cette confiance veulent la donner. » (Note orig.)