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Les discours de Robespierre

ce conspirateur ; je n’imputerai point ceux d’Hébert aux citoyens dont le patriotisme sincère fut entraîné quelquefois au-delà des exactes limites de la raison. Les conspirateurs ne seraient point des conspirateurs, s’ils n’avaient l’art de dissimuler assez habilement pour usurper pendant quelque temps la confiance des gens de bien ; mais il est des signes certains auxquels on peut discerner les dupes des complices, et l’erreur du crime. Qui fera donc cette distinction ? Le bon sens et la justice. Ah ! combien le bon sens et la justice sont nécessaires dans les affaires humaines ! Les hommes pervers nous appellent des hommes de sang, parce que nous avons fait la guerre aux oppresseurs du monde ; nous serions donc humains si nous[1] étions réunis à leur ligue sacrilège pour égorger le peuple et pour perdre la patrie !

Au reste, s’il est des conspirateurs privilégiés, s’il est des ennemis inviolables de la République, je consens à m’imposer sur leur compte un éternel silence. J’ai rempli ma tâche[2] (je ne me charge point de remplir les devoirs d’autrui, un soin plus pressant m’agite en ce moment) ; il s’agit de sauver la morale publique et les principes conservateurs de la liberté, il s’agit d’arracher à l’oppression tous les amis généreux de la patrie.

    la punition. Eh ! qu’importe, comme on l’a dit, qu’ils aient quelquefois dénoncé et arrêté des aristocrates prononcés, s’ils vendent aux autres l’impunité, et s’ils se font de ces services faciles un titre pour trahir et pour opprimer ? Que m’importe qu’ils poursuivent l’aristocratie, s’ils assassinent le patriotisme et la vertu afin qu’il ne reste plus sur la terre que des fripons et leurs protecteurs ? Que dis-je ! les fripons ne sont-ils pas une espèce d’aristocratie ? Tout aristocrate est corrompu, et tout homme corrompu est aristocrate. Mais cherchez sous ce masque de patriotisme, vous y trouverez des nobles, des émigrés, peut-être des hommes qui, après avoir professé ouvertement le royalisme pendant plusieurs années, se sont fait attacher au Comité de sûreté générale, comme jadis les prostituées à l’Opéra, pour exercer leur métier impunément, et se venger patriotiquement sur les patriotes de la puissance et des succès de la République. « Amar et Jagot, s’étant emparés de la police, ont plus d’influence seuls que tous les membres du Comité de sûreté générale ; leur puissance s’appuie encore sur cette armée de commis dont ils sont les patrons et les généraux ; ce sont ceux qui sont les principaux artisans du système de division et de calomnie. Il existe une correspondance d’intrigues entre eux et certains membres du Comité de salut public, et les autres ennemis du gouvernement républicain ou de la morale publique, car c’est la même chose ; aussi ceux qui nous font la guerre sont-ils les apôtres de l’athéisme et de l’immoralité. Une circonstance remarquable et décisive, c’est que les persécutions ont été renouvelées avec une nouvelle chaleur après la célébration de la fête de l’Être suprême. « Nos ennemis ont senti la nécessité de réparer cette défaite décisive à force de crimes, et de ressusciter à quelque prix que ce fût la corruption qu’ils avaient établie. » (Note origin.) Voir ce livret de Robespierre aux Arch. nat., F7 4486. Extraits dans H. Welschinger, Le roman de Dumouriez, Paris, 1890, in-12, p. 71-126.

  1. Sorb. : « Si nous nous étions ».
  2. Les mots entre parenthèses ont déjà été lus page 4 et se trouvent répétés en ces deux endroits dans le manuscrit. (Note orig.)