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Séance du 8 thermidor An II

dans les annales de la Révolution, je dis que tous les représentants du peuple dont le cœur est pur doivent reprendre la confiance et la dignité qui leur convient. Je ne connais que deux partis, celui des bons et celui des mauvais citoyens ; que[1] le patriotisme n’est point une affaire de parti, mais une affaire de cœur ; qu’il ne consiste ni dans l’insolence, ni dans une fougue passagère qui ne respecte ni les principes, ni le bon sens, ni la morale ; encore moins dans le dévoûment aux intérêts d’une faction. Le cœur flétri par l’expérience de tant de trahisons, je crois à la nécessité d’appeler surtout la probité et tous les sentiments généreux au secours de la République. Je sais que, partout où l’on rencontre un homme de bien, en quelque lieu qu’il soit assis, il faut lui tendre la main et le serrer contre son cœur. Je croîs à des circonstances fatales dans la Révolution, qui n’ont rien de commun avec les desseins criminels ; je crois à la détestable influence de l’intrigue, et surtout à la puissance sinistre de la calomnie. Je vois le monde peuplé de dupes et de fripons ; mais le nombre des fripons est le plus petit ; ce sont eux qu’il faut punir des crimes et des malheurs du monde. Je n'imputerai donc point les forfaits de Brissot et de la Gironde aux hommes de bonne foi qu’ils ont trompés quelquefois[2], je n’imputerai point à tous ceux qui crurent à Danton les crimes de

  1. Ce que, n’est pas reproduit par Hamel, III, 724. Sorb. : « Je sais que ».
  2. Lignes raturées : « Je les imputerai à ces personnages dangereux, et même à d’autres fripons qui, en combattant quelquefois contre eux avec les ennemis de la liberté, rendaient quelquefois la bonne cause douteuse aux yeux des hommes placés dans un point de vue moins avantageux pour la discerner. » (Les tirades suivantes, jusqu’à ces mots inclusivement : la corruption qu’ils avaient établie, sont extraites d’un livret de Robespierre écrit au crayon, et qui n’ont pas été lues à la tribune : nous avons cru devoir les adapter à cet endroit de lignes raturées). «J’en accuse la faiblesse humaine et ce fatal ascendant de l’intrigue contre la vérité lorsqu’elle plaide contre elle dans les ténèbres et au tribunal de l’amour-propre ; j’en accuse les hommes pervers que je démasquerai ; j’en accuse une horde de fripons qui ont usurpé une confiance funeste sous le nom de commis du Comité de sûreté générale. Les commis de sûreté générale sont une puissance, et une puissance supérieure par ses funestes influences au Comité même. Je les ai dénoncés depuis longtemps au Comité de salut public et à celui qui les emploie, qui est convenu du mal sans oser appliquer le remède : je les dénonce aujourd’hui à la Convention, ces funestes artisans de discorde, qui trahissent à la fois le Comité qui les emploie et la patrie, qui déshonorent la Révolution, compromettent la gloire de la Convention nationale, protecteurs impudents du crime et oppresseurs hypocrites de la vertu. C’est en vain qu’on voudrait environner des fripons d’un prestige religieux ; je ne partage pas cette superstition, et je veux briser les ressorts d’une surveillance corrompue qui va contre son but, pour la rattacher à des principes purs et salutaires. J’ai un double titre pour oser remplir ce devoir, puisqu’il faut aujourd’hui de l’audace pour oser attaquer des scélérats subalternes : l’intérêt de la patrie et mon propre honneur. Ce sont ces hommes qui réalisent cet affreux système de calonmier et de poursuivre tous les patriotes suspects de probité, en même temps qu’ils protègent leurs pareils, et qu’ils justifient leurs crimes par ce mot, qui est le cri de ralliement de tous les ennemis de la patrie : C’est Robespierre qui l’a ordonné. C’était aussi le langage de tous les complices d’Hébert, dont je demande en vain