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siègent dans un côté qui s’honore d’avoir été l’asile des plus intrépides défenseurs de la liberté ? Pourquoi une doctrine qui paraissait naguères criminelle et méprisable, est-elle reproduite aujourd’hui ? Pourquoi cette motion, rejetée quand elle fut proposée par Danton, pour Beisire, Chabot et Fabre d’Eglantine a-t-elle été accueillie tout-à-l’heure par une portion des membres de cette assemblée ? Pourquoi ? Parce qu’il s’agit aujourd’hui de savoir si l’intérêt de quelques hypocrites ambitieux doit l’emporter sur l’intérêt du peuple français (Applaudissemens).

Eh quoi ! n’avons-nous donc fait tant de sacrifices héroïques, au nombre desquels il faut compter ces actes d’une sévérité douloureuse, n’avons-nous fait ces sacrifices que pour retourner sous le joug de quelques intrigans qui prétendaient dominer ?

Que m’importent à moi les beaux discours, les éloges qu’on se donne à soi-même et à ses amis ? Une trop longue et trop pénible expérience nous a appris le cas que nous devions faire de semblables formules oratoires. On ne demande plus ce qu’un homme et ses amis se vantent d’avoir fait dans telle époque, dans telle circonstance particulière de la Révolution ; on demande ce qu’ils ont fait dans tout le cours de leur carrière politique (On applaudit).

Legendre paraît ignorer les noms de ceux qui sont arrêtés : toute la Convention les sait. Son ami Lacroix est du nombre de ces détenus. Pourquoi feint-il de l’ignorer ? Parce qu’il sait bien qu’on ne peut sans impudeur défendre Lacroix[1]. Il a parlé de Danton, parce qu’il croit sans doute qu’à ce nom est attaché un privilège ; non, nous n’en voulons point de privilège ; non, nous n’en voulons point d’idoles (On applaudit à plusieurs reprises).

Nous verrons dans ce jour si la Convention saura briser une prétendue idole pourrie depuis long-tems, ou si, dans sa chute, elle écrasera la Convention et le peuple français. Ce qu’on a dit de Danton ne pouvait-il pas s’appliquer à Brissot, à Pétion, à Chabot, à Hébert même, et à tant d’autres qui ont rempli la France du bruit fastueux de leur patriotisme trompeur ? Quel privilège aurait-il donc ? En quoi Danton est-il supérieur à ses collègues, à Chabot, à Fabre d’Eglantine, son ami et son confident, dont il a été l’ardent défenseur ? En quoi est-il supérieur à ses concitoyens ? Elst-ce parce que quelques individus trompés, et d’autres qui ne l’étaient pas, se sont groupés autour de lui pour marcher à sa suite à la fortune et au pouvoir ? Plus il a trompé les patriotes qui avaient confiance en lui, plus il doit éprouver la sévérité des amis de la liberté.

Citoyens, c’est ici le moment de dire la vérité. Je ne reconnais à tout ce qu’on a dit que le présage sinistre de la ruine de la liberté

  1. Voir Notes fournies par Robespierre à Saint-Just pour son rapport contre les Dantonistes, publiées en 1841, In-8°, 31 p. (B.N., 8° Le 38 743) et Papiers inédits… II, 18.