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SÉANCE DU 27 BRUMAIRE AN II

publique couronnoit les images sacrées des héros qui étoient morts en combattant contre eux. On les appeloit les derniers des Romains, Rome dégradée sembloit dire chaque jour au tyran : « Tu n’es point un homme ; nous-mêmes, nous avons perdu ce titre en tombant dans tes fers. Les seuls hommes, les seuls Romains sont ceux qui ont eu le courage de se dévouer pour délivrer la terre de toi ou de tes pareils ».

Pleins de ces idées, pénétrés de ces principes, nous seconderons votre énergie de tout notre pouvoir. En butte aux attaques de toutes les passions, obligés de lutter à la fois contre les puissances ennemies de la République & contre les hommes corrompus qui déchirent son sein, placés entre la lâcheté hypocrite & la fougue imprudente du zèle, comment aurions nous osé nous charger d’un tel fardeau sans les ordres sacrés de la patrie ? Comment pourrions-nous le porter, si nous n’étions élevés au-dessus de notre foiblesse par la grandeur même de notre mission, si nous ne nous reposions avec confiance & sur votre vertu & sur le caractère sublime du peuple que vous représentez ? L’un de nos devoirs les plus sacrés étoit de vous faire respecter au dedans & au dehors. Nous avons voulu aujourd’hui vous présenter un tableau fidèle de votre situation politique & donner à l’Europe une haute idée de vos principes. Cette discussion a aussi pour objet particulier de déjouer les intrigues de vos ennemis pour armer contre vous vos alliés, & sur-tout les Cantons suisses, & les États-Unis d’Amérique[1]. Nous vous proposons à cet égard le décret suivant :

LA CONVENTION NATIONALE, voulant manifester aux yeux de l’univers les principes qui la dirigent & qui doivent présider aux relations de toutes les sociétés politiques ; voulant en même temps déconcerter les manœuvres perfides employées par ses ennemis pour alarmer sur ses intentions les fidèles alliés de la nation française, les Cantons suisses & les États-Unis d’Amérique ;

Décrète ce qui suit :

Art. Ier. — La Convention nationale déclare, au nom du peuple français, que la résolution constante de la République est de se montrer terrible envers ses ennemis, généreuse envers ses alliés, juste envers tous les peuples.

II. — Les traités qui lient le Peuple français aux États-Unis d’Amérique et aux Cantons suisses seront fidèlement (gg) exécutés.

III. — Quant aux modifications qui auroient pu être nécessitées par la Révolution qui a changé le gouvernement (hh) français, ou par les mesures générales & extraordinaires que la République a été obligée

  1. Ce discours, étincelant de beautés, est souvent interrompu par les plus vife applaudissements 9 (Journal de la Montagne, t. II, jxP 5, p. 40). Les Annales patriotiques (no 322, p. 1491) l’apprécient en ces tennes : « Peu de discours aussi forts d’éloquence, de raison, de talent ont été prononcés dans la tribune nationale depuis que la France a brisé ses fers ». Voir A. Sorel, L’Europe et la Révolution française, t. IV, p. 3.