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Les discours de Robespierre

le gouvernail d’une main ferme, & conduisez-le, à travers les écueils, au port de la paix & du bonheur.

La force peut renverser un trône ; la sagesse seule peut fonder (ſſ) une République. Démêlez les pièges continuels de nos ennemis ; soyez révolutionnaires & politiques ; soyez terribles aux méchans & secourables aux malheureux ; fuyez à la fois le cruel modérantisme & l’exagération systématique des faux patriotes ; soyez dignes du peuple que vous représentez ; le peuple hait tous les excès : il ne veut être ni trompé ni protégé, il veut qu’on le défende en l’honorant.

Portez la lumière dans l’antre de ces modernes Cacius, où l’on partage les dépouilles du peuple en conspirant contre sa liberté. Etouffez-les dans leurs repaires, & punissez enfin le plus odieux de tous les forfaits, celui de revêtir la contre-révolution des emblèmes sacrés du patriotisme, & d’assassiner la liberté avec ses propres armes.

Le période où vous êtes est celui qui est destiné à éprouver le plus fortement la vertu républicaine. À la fin de cette campagne, l’infâme ministère de Londres voit d’un côté la ligue presque ruinée par ses efforts insensés, les armes de l’Angleterre déshonorées, sa fortune ébranlée, & la liberté assurée par le caractère de vigueur que vous avez montré : au-dedans, il entend les cris des Anglais mêmes, prêts à lui demander compte de ses crimes. Dans sa frayeur, il a reculé jusqu’au mois de janvier la tenue de ce parlement, dont l’approche l’épouvante. Il va employer ce temps à commettre parmi vous les derniers attentats qu’il médite, pour suppléer à l’impuissance de vous vaincre. Tous les indices, toutes les nouvelles, toutes les pièces saisies depuis quelque temps se rapportent à ce projet. Corrompre les représentans du peuple susceptibles de l’être, calomnier ou égorger ceux qu’ils n’ont pu corrompre, enfin arriver à la dissolution de la représentation nationale, voilà le but auquel tendent toutes les manœuvres dont nous sommes les témoins, tous les moyens patriotiquement contre-révolutionnaires, que la perfidie prodigue pour exciter une émeute dans Paris & bouleverser la République entière.

Représentans du peuple français connoissez votre force & votre dignité. Vous pouvez concevoir un orgueil légitime. Applaudissez-vous non-seulement d’avoir anéanti la royauté & puni les rois, abattu les coupables idoles devant qui le monde étoit prosterné ; mais sur-tout de l’avoir étonné par un acte de justice dont il n’avoit jamais vu l’exemple, en promenant le glaive de la loi sur les têtes criminelles qui s’élevoient au milieu de vous, mais d’avoir écrasé jusques ici les factions sous le poids du niveau national.

Quel que soit le sort personnel qui vous attend, votre triomphe est certain. La mort même des fondateurs de la liberté n’est-elle pas un triomphe ? Tout meurt, & les héros de l’humanité & les tyrans qui l’oppriment ; mais à des conditions différentes. Jusques sous le règne des lâches empereurs de Rome, la vénération