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Les discours de Robespierre

guerre (j), on la déclara à l’Espagne, parce que nous n’étions nullement préparés à combattre ces nouveaux ennemis (k) et que la flotte espagnole étoit prête à se joindre à la flotte anglaise.

Avec quelle lâche hypocrisie les traîtres faisoient valoir de prétendues insultes à nos envoyés, concertées d’avance entr’eux & les puissances étrangères ! Avec quelle audace ils invoquoient la dignité de la nation dont ils se jouoient insolemment !

Les lâches ! ils avoient sauvé le despote prussien & son armée ; ils avoient engraissé la Belgique du plus pur sang des Français ; ils parloient naguères de municipaliser l’Europe, & ils repoussoient les malheureux Belges dans les bras de leurs tyrans ; ils avoient livré à nos ennemis nos trésors, nos magasins, nos armes, nos défenseurs : sûr de leur appui, & fier de tant de crimes, le vil Dumouriez avoit osé menacer la liberté jusques dans son sanctuaire... patrie ! quelle divinité tutélaire a donc pu t’arracher de l’abîme immense creusé pour t’engloutir, dans ces jours de crimes & de calamités où, ligués avec tes innombrables ennemis, tes enfans ingrats plongeoient dans ton sein leurs mains parricides, & sembloient se disputer tes membres épars, pour les livrer tout sanglans aux tyrans féroces conjurés contre toi ; dans ces jours affreux où la vertu étoit proscrite, la perfidie couronnée, la calomnie triomphante, où tes ports, tes flottes, tes armées, tes forteresses, tes administrateurs, tes mandataires, tout étoit vendu à tes ennemis (l) ! Ce n’étoit point assez d’avoir armé les tyrans contre nous : on vouloit nous vouer à la haine des nations, & rendre la Révolution hideuse aux yeux de l’univers. Nos journalistes étoient à la solde des cours étrangères, comme nos ministres & une partie de nos législateurs. Le despotisme & la trahison présentoient le peuple français à tous les peuples comme une faction éphémère et méprisable, le berceau de la République comme le repaire du crime ; l’auguste liberté étoit travestie en une vile prostituée. Pour comble de perfidie, les traîtres cherchoient à pousser le patriotisme même à des démarches inconsidérées, & préparoient eux-mêmes la matière de leurs calomnies : couverts de tous les crimes, ils en accusoient la vertu qu’ils plongeoient dans les cachots, & chargeoient de leur propre extravagance les amis de la patrie qui en étoient les vengeurs ou les victimes. Grâce à la coalition de tous les hommes puissans & corrompus, qui remettoient à-la-fois dans des mains perfides tous les ressorts du gouvernement, toutes les richesses, toutes les trompettes de la renommée, tous les canaux de l’opinion, la République française ne trouvoit plus un seul défenseur dans l’Europe ; & la vérité captive ne pouvoit trouver une issue pour franchir les limites de la France ou les murs de Paris.

Ils se sont attachés particulièrement à mettre en opposition l’opinion de Paris avec celle du reste de la République, & celle de la République entière avec les préjugés des nations étrangères. Il est deux moyens de tout perdre ; l’un de faire des choses mauvaises par leur