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nation, et des exemples qu’on lui donne. Multiplions donc, répandons jusques dans le peuple les idées saines, que la raison et l’intérêt public nous fournissent sur le préjugé ; que le roi n’accorde plus de lettres de grâce, en faveur des familles que le préjugé va frapper ; mais qu’il leur accorde des signes d’intérêt et les récompenses qu’elles ont méritées ; que l’on donne de l’éclat à ces actes de l’autorité souveraine ; qu’ils se répètent souvent ; qu’ils soient célébrés dans toutes les provinces, comme des bienfaits publics ; et bientôt on verra ce que des moyens aussi simples peuvent faire, contre les plus anciens préjugés. Tel est le système de l’auteur.

Son ouvrage sera lu avec intérêt et obtiendra une attention honorable. Il est rempli de vues saines et de traits d’un talent heureux et vrai. On en concevra encore plus d’espérances, quand on saura que l’auteur, voué à la profession d’avocat, qui convient si bien à un si bon esprit, plaidait sa première cause dans le tems où il écrivait ce discours ; et qu’il n’a jamais vécu à Paris, où le commerce des gens de lettres développe le talent et perfectionne le goût. J’oserai lui témoigner le plus sincère intérêt, en lui présentant quelques observations, que j’attendrais de lui, s’il avait aussi à parler de l’ouvrage qui a concouru avec le sien.

Il annonce un esprit juste, qui voit les objets avec netteté ; mais il me semble qu’il ne les approfondit pas assez, et qu’il ne les prend pas dans toute leur étendue. Sans cela cependant, on risque, dans la morale et la politique de dire des choses trop vraies, ou pour mieux m’exprimer trop communes. Il annonce aussi cette sensibilité qui sait répandre de l’intérêt dans les idées, et les empreindre des caractères d’une âme douce et noble ; il y a dans son ouvrage un grand nombre de traits d’une éloquence simple. Mais il me parait que souvent son style manque de précision, de vigueur ; ses meilleurs morceaux ne produisent pas tout l’effet qu’on devait en attendre. Peut-être a-t-il besoin de rassembler davantage ses pensées, de se recueillir dans les émotions qu’elles peuvent porter à son âme ; alors il sera plus prêt de l’art, ou plutôt du talent d’enchaîner fortement ses idées, de grouper ses tableaux, de varier les formes de son stile et d’y jeter cet éclat qui anime, sans fatiguer. Voilà des critiques, et même des conseils. Il semble qu’on devrait les supprimer, quand on a l’expérience de la manière, dont ils sont reçus si fréquemment.