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Cependant, si je pouvois penser que l’opinion dont je parle fut réellement propre à diminuer le nombre des crimes ; si c’étoit vraiment ce motif, qui nous eut déterminés à l’adopter et qui nous y retint attachés, je chercherois à la remplacer par quelqu’institution qui put nous procurer les mêmes avantages : je proposerois par exemple d’étendre les bornes du pouvoir paternel ; et de donner aux parens toute l’authorité nécessaire pour récompenser où pour punir les vertus où les désordres de leurs enfans : mais comme l’intérêt des mœurs n’est ici qu’un vain prétexte par lequel la prévention cherche quelques fois à pallier notre injustice ; je regarde le rétablissement de la puissance paternelle, à la vérité comme le frein le plus puissant de la corruption, mais non comme un moien d’anéantir l’abus dont il s’agit ici.

Mais je voudrois que l’on abrogeât certaines loix qui paroissent tendre immédiatement à l’entretenir : il seroit à souhaiter par exemple que les biens d’un homme condamné au supplice cessassent d’être soumis à la confiscation : cette peine tombe moins sur le coupable que sur ses héritiers ; elle semble etre par elle même une espèce de flétrissure pour la famille : dans le temps où elle auroit besoin de toute la considération que le vulgaire attache à la richesse, pour affoiblir le mépris auquel elle est exposée, la confiscation ajoute encore à son avilissement par la misère où elle la réduit.

Je voudrois aussi que la loi n’imprimât plus aucune espece de tache aux bâtards ; qu’elle ne parut point punir en eux les foiblesses de leurs peres en les écartant des dignités civiles et même du ministère ecclésiastique ; je voudrois que l’on effaçat cette maxime du droit canonique, que les inclinations perverses de ceux qui leur ont donné le jour sont censées leur avoir été transmises avec le sang ; qu’enfin l’on abolit tous les usages qui peuvent familiariser les citoiens avec l’idée qu’on peut quelques fois raisonnablement rendre un homme responsable d’une faute qu’il n’a point commise.

Mais le caractère même du préjugé dont il est question