s’est établie sans peine, dans des siècles[1] de barbarie, où elle frappoit à loisir sur un peuple esclave, si méprisable aux yeux de ce clergé puissant et de cette superbe noblesse qui l’opprimoient.
Je ne dirai plus qu’un mot sur ce sujet, pour observer que ce même préjugé pouvoit[2] être encore fortifié par une coutume bizarre, qui régna lontems chez plusieurs nations de l’europe. Je parle du combat judiciaire. Lorsque cette absurde institution décidoit de toutes les affaires civiles et criminelles, les parens de l’accusé étoient quelques fois[3] obligés de devenir eux mêmes parties dans le procèz d’où dépendoit son sort : lorsque sa faiblesse, ses infirmités, son sexe surtout ne lui permettoit pas de prouver son innocence l’épée à la main, ses proches[4] embrassoient sa querelle et combattoient à sa place : le procèz devenoit donc en quelque sorte pour eux une affaire personnelle ; la punition [5]de l’accusé étoit la suite de leur défaite, et dez lors il étoit moins étonnant qu’ils en partageassent la honte, surtout[6] chez des peuples qui ne connoissoient d’autre mérite que les qualités guerrières[7]
Aprez avoir cherché l’origine du préjugé qui fait l’objet de nos réflexions, j’ai a discuter une seconde question peut-être plus intéressante[8] encore. Ce préjugé est-il plus utile que nuisible[9] ?
J’avoue que je n’ai jamais pu concevoir comment les sentimens [10] pouvoient être partagés sur un point que le bon sens[11] et l’humanité décident si clairement. Aussi quand j’ai vu une des compagnies littéraires les plus distinguées du royaume[12] proposer cette question je n’ai jamais pensé[13] que son intention fut d’offrir un problème à résoudre ; mais seulement une erreur funeste à combattre, un