Société célèbre qui l’a proposé ! Je suis loin de trouver en moi ces grandes ressources : mais je n’en ai pas moins osé vous présenter mon tribut : c’est le désir d’être utile ; c’est l’amour de l’humanité qui vous l’offre ; il ne seauroit être tout à fait indigne de vous[1].
La première des trois questions que[2] je dois examiner pourroit[3] paroitre, au premier coup d’œil, offrir des difficultés insurmontables. Comment découvrir l’origine d’une opinion qui remonte aux siècles les plus reculés ? Comment démêler les rapports imperceptibles par lesquels un préjugé peut tenir à mille circonstances inconnues, à mille causes impénétrables ? S’engager dans une pareille discussion, n’est-ce pas d’ailleurs s’exposer à rendre raison de ce qui n’est peut être que l’ouvrage du hazard ? N’est-ce pas vouloir[4] en quelque sorte chercher des règles au caprice, et des motifs à la bizarrerie ? telles sont[5] les idées qui se présentèrent d’abord à mon esprit : mais j’ai réfléchi, qu’en proposant cette question, vous aviez jugé par là même qu’elle n’étoit pas impossible à résoudre : votre authorité m’a séduit et j’ai osé entreprendre cette tache.
Il m’a semblé d’abord qu’une observation très simple me découvroit les premières traces du préjugé dont[6] il est ici question.
Quoique les bonnes et les mauvaises actions soient personneles, j’ai cru remarquer que les hommes étoient partout naturellement enclins à étendre, en quelque sorte, le mérite ou les fautes d’un individu à ceux qui lui sont unis par des liens étroits : il semble que les sentimens d’amour et d’admiration que la vertu nous inspire se répandent jusqu’à un certain point sur tout ce qui tient à elle ; tandis que l’indignation et le mépris qui suivent le vice rejallissent en partie sur ceux qui ont des[7] rapports avec lui. Tous les jours, on dit de cet homme, qu’il est l’honneur de sa famille ; et de cet