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dans un banquet qui n’avoit rien de plus surnaturel que ceux d’Anacreon et de Marc Aurele ; et les hymnes qu’ils chantoient en l’honneur des Grâces et de Bacchus montoient vers le ciel avec le parfum des roses et les douces émanations du Champagne ; lorsque tout à coup on entendit dans les airs un concert plus ravissant que l’harmonie des corps célestes plus mélodieux que les champs des Muses et d’Apollon. Une odeur d’ambroisie se répand au même instant de toutes parts et nous voions descendre au milieu de nos bosquets sur un nuage d’or et de pourpre une déesse brillante de tout l’éclat qui environne une beauté céleste. À ce seul souvenir, mon esprit se trouble, mes idées se confondent et j’éprouve encore une fois cette douce ivresse où sa présence alors plongea tous mes sens. Ô vous qui que vous soiez, qu’aucune déesse ne visita jamais, gardez-vous de chercher à vous former une idée de ses charmes d’après les foibles attraits des beautés mortelles… Oui Vénus sans doute est moins belle lorsque parée par les mains des Grâces elle se montre dans l’assemblée des dieux ; elle étoit moins touchante le jour où parée de sa seule beauté, elle daigna la dévoiler aux yeux du fils de Priam. Dans l’une de ses mains était une lyre d’or, dans l’autre une couppe de nectar, à ses piés, une corbeille pleine de Roses. Ses regards se fixèrent un instant sur nous et ils firent circuler dans nos veines un feu rapide qui nous auroit consumés si elle ne nous avoit elle-même donné la force de résister à sa violence ; elle ouvrit la bouche, son souffle exhala une odeur plus douce que l’haleine du zéphir chargé du parfum des fleurs. Le son de sa voix et les choses qu’elle nous dit nous jettèrent dans une extase ravissante dont il est impossible de donner une idée à ceux qui n’ont point reçu une semblable faveur et nos cœurs abîmés dans la joie étoient près de mourir sous le poids de la volupté.

Il n’est pas donné à une bouche humaine de rendre les discours de la déesse ; il vous suffira de sçavoir qu’elle nous manifesta les décrets du destin qui de tout temps avoient fixé la durée de notre société.