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Vos yeux, Monsieur, s’ouvrent de plus en plus et vous commencez à découvrir sans nuage toute la noblesse et toute l’étendue de l’ordre des rosatis : et déjà vous pouvez le définir vous-mêmes, la société des hommes de génie et des hommes vertueux, qui ont brillé chez toutes les nations et dans tous les siècles. Socrate, Anacréon, Epaminondas, Timoléon, Euripide, Démosthène, Aristide chez les Grecs ; parmi les Romains les deux Scipions, Lucullus, Horace, Virgile, Cicéron et surtout Titus, Trajan, Antonin, Marc Aurèle, enfin Charlemagne, Charles V, Saint-Louis, Louis XII, Henri IV, Chaulieu, Catinat, Corneille, Fénelon, Vauban, Massillon, Condé chez les François : voilà, Monsieur, une partie de ceux que nous comptons parmi nos frères.

Mais, Monsieur, je ne dois pas vous induire ici dans une erreur funeste ; je ne puis vous le dissimuler, les grands hommes que je viens de nommer n’ont pas vu les jours de la lumière et de l’alliance nouvelle ; ils aimoient la Rose de bonne foi ; ils adoraient les mêmes divinités que nous ; mais sans temple et sans autel ! Les amans de la Rose épars et isolés n’avoient point encore appris à l’honnorer en commun par un culte extérieur et solemnel ; car les banquets d’Anacréon, les soupers d’Horace, d’Auguste et de Mécène ; les festins mêmes de Trajan et des Antonins n’étoient que l’ombre et la figure des grands mystères que nous avons vu s’accomplir en nous.

Fortuné mortel, prêtez une oreille attentive à ma voix, recueillez mes paroles avec respect et avec joie ; je vais parler de l’époque sacrée où les amants de la Rose commencèrent à former sous le nom de Rosati un corps visible, une association régulière unie par le même esprit, par les mêmes rites et par les mêmes auspices ; je vais vous révéler une partie des merveilles qui préparèrent ce grand événement, car la déesse qui les a enfantées en notre faveur me défend de lever entièrement le voile sacré que les couvre et vos yeux trop faibles encore ne pourraient en soutenir tout l’éclat.

L’amitié avait un jour rassemblé quelques-uns de nous