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et mes jeunes enfans à qui vos malheurs ont appris la pitié, qui ont arrosé vos fers de leurs premières larmes compatissantes ».

Vous tous à qui la nature a donné une ame sensible, que ne fûtes vous témoins de la scène touchante qui se passa dans le sein de cette respectable famille à la vue des infortunés dont le héros magistrat venait de briser les fers ! Vous auriez vu sa digne épouse arroser de ses pleurs les mains reconnaissantes que lui tendaient ces trois malheureux ; les faire asseoir à sa table, les servir elle-même, et offrir à ses enfans attendris le spectacle de la vertu qui console le malheur des outrages de l’injustice.

M. DUPATY joignait aux rares qualités qui font le vrai magistrat, un goût sûr, un espoir prompt à saisir le beau dans tous les genres, et orné des connaissances qu’il avait puisées dans les grands modèles de la littérature. Il s’était livré, de très bonne heure, à l’étude des sciences et des lettres ; on l’avait vu, dans l’âge de la dissipation et des plaisirs, concourir aux progrès des lumières, encourager le talent par de nobles récompenses, inviter les orateurs à célébrer ce roi, l’idole des français, que le ciel avait donné à la terre dans les jours de sa miséricorde[1].

Les heures de ses délassemens étaient consacrées à la lecture des grands poëtes, des historiens et des philosophes qui, en nous transmettant leurs pensées, ont voulu être utiles, lors même qu’ils ne seraient plus.

Quoique les fonctions de sa charge lui laissassent très peu de temps, il en trouvait encore pour assister aux assemblées d’un corps respectable de savans qui s’était empressé de

  1. M. Dupaty fut reçu à l’Académie des Belles-Lettres de la Rochelle, à un âge où à peine le reste des hommes commence à avoir le sentiment du beau et de l’utile. Son début, comme homme de lettres, fut un hommage à la vertu. Il proposa pour sujet d’un prix extraordinaire, l’éloge de Henri IV, dont il voulut faire les frais. Il fit frapper une médaille d’or qui représente ce grand roi. Ce prix fut adjugé au discours de M. Gaillard, orateur distingué, qui a su faire un choix heureux parmi le nombre des grandes actions qu’il avait à peindre.