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de quels traits il peignait ces coups de l’autorité arbitraire si effrayans pour la liberté et qui, annonçant le renversement des lois, présage la chûte prochaine des empires.

Celui qui aspire à la gloire d’être utile à ses concitoyens, qui fait un usage si grand et si sublime de ses talens, qui ose dire aux puissans de la terre, vous avez commis une injustice, et qui s’élève ainsi au dessus des autres hommes, doit s’attendre, sans doute, à avoir des ennemis dangereux : il doit croire que la haine et la vengeance se ligueront avec l’envie pour le perdre. Tel a été de tous les temps la destinée des grands hommes.

On vit bientôt l’intrigue s’élever contre M. DUPATY, lui faire un crime aux yeux du souverain, de sa fermeté et de son attachement pour le maintien de l’ordre public ; et la récompense de tant de zèle et de vertu fut un exil[1]. Le coup qui le frappe n’altère point la tranquillité de son ame ; il part avec cette assurance de l’homme juste qui n’a aucun reproche à se faire ; il a pour lui la patrie, sa gloire et ses vertus. Le sénat qui se vit privé d’un de ses plus beaux ornemens, s’empressa de le justifier auprès du trône, d’éclairer le souverain sur la surprise faite à sa religion, et bientôt M. DUPATY fut rendu à ses fonctions.

On n’a point encore oublié avec quels transports de joie il fut accueilli des citoyens ; tous voulurent le voir, tous lui prodiguèrent cet hommage si doux pour un cœur généreux et sensible et qui console le magistrat vertueux de l’injustice des hommes. On vit alors l’envie se cacher en frémissant, et il ne resta à ses ennemis que la honte d’avoir fait des efforts impuissans pour perdre un grand homme.

La disgrâce que M. DUPATY venait d’essuyer, loin de lui

  1. Cet exil fut un triomphe pour M. Dupaty ; la vénération et les regrets de tous les gens de bien l’accompagnèrent dans sa retraite. Le parlement, qui regardait sa détention comme une sorte de calamité publique, fit des remontrances pour obtenir son rappel. M. Dupaty revint de son exil avec la même sérénité qu’il avait montré en y allant. Un mot peindra ce qui se passait dans sa grande âme : « Je regarde, dit-il publiquement et dans un discours d’éclat, je regarde mon rappel, non comme une grâce, mais comme une justice ».