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mais il laissa une épouse dont l’âme sensible et grande était faite pour réparer cette perte[1]

M. DUPATY avait reçu de la nature ce désir impatient de savoir et de s’instruire, qui annonce toujours les grands talens. Dans cet âge où les plaisirs laissent à peine quelques heures à la réflexion, où, sans songer au temps qui suivra, l’on ne pense qu’à jouir, il faisait une étude raisonnée de l’histoire qui n’offre aux esprits vulgaires qu’un simple récit de faits et de raisonnemens ; mais d’où l’homme de génie sait faire naître une source abondante de réflexions utiles. Il méditait les ouvrages immortels de cet écrivain célèbre, dont les lumières ont tant influé sur celles de son siècle, et qui a si bien saisi la chaîne par où sont liés les sujets avec les souverains, et les nations avec les nations. Il admirait les vues sublimes de ces bienfaicteurs des hommes qui, en donnant au genre humain des lois pleines de sagesse, lui ont fait le plus grand bien qu’il puisse recevoir.

C’est ainsi qu’en recueillant des lumières de toutes parts, M. DUPATY se préparait à devenir lui-même un jour utile à la patrie. Ses talens et ses vertus lui acquirent bientôt une grande réputation ; et quoique très jeune encore, la justice lui ouvrit son temple pour être son défenseur et son organe[2]. Dès-lors il se dévoue au bien public, il se pénètre des fonctions augustes dont il est chargé ; il y consacre tous les instans de sa vie ; il ne s’occupe plus que de l’étude des lois ; il cherche à les comparer entr’elles ; à saisir les rapports qu’elles ont ou qu’elles doivent avoir avec

  1. Mlle Carré fut digne, par ses rares vertus, d’être associée à cette respectable famille ; sa piété tendre, mais indulgente, sa bienfaisance généreuse, mais éclairée, lui méritèrent tous les suffrages pendant sa vie, et les regrets des gens de bien après sa mort.
  2. Il est généralement vrai qu’une âme élevée, qu’un talent décidé se décèlent dès les premiers jours de l’adolescence. M. Dupaty avait annoncé de bonne heure ce qu’il devait être ; il n’avait que vingt-six ans lorsqu’il fut nommé à la place d’avocat-général au Parlement de Bordeaux. Son début répondit aux grandes espérances qu’il avait données. Le premier discours qu’il prononça fut universellement applaudi, et regardé comme un gage de cette éloquence profonde et rapide, qui, dans la suite a caractérisé ses écrits.