Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 1.djvu/159

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

talens, est infiniment moins intéressant que l’homme vertueux. L’Éloge manqueroit de sa base essentielle, du véritable caractère qui constitue l’éloge, et du but qu’on doit se proposer en présentant un modèle à l’admiration publique. La vertu seule donne du prix aux talens ; sans elle les talens sont plus nuisibles qu’utiles. De cette conséquence il en résulterait une autre ; c’est que pour entrer dans un Corps académique, il suffiroit d’avoir des talens. À Dieu ne plaise que nous prêtions jamais cette idée à aucun Corps académique ; quelles sociétés, bon Dieu ! que celles où, sans considérer les mœurs, les talens seuls seroient admis ! Loin de nous cette opinion condamnable contre laquelle l’Académie seroit fondée à réclamer, et qu’elle ne manqueroit pas de désavouer hautement. La bienfaisance, aidée par les lumières, n’en auroit que plus de prix et plus d’activité sans doute. Mais des Sociétés d’hommes vertueux qui se réuniroient pour le bien de l’Humanité, seroient infiniment préférables à ces Sociétés purement littéraires. Heureuses quand elles se distinguent par ce double titre, et quand elles réunissent, comme l’Académie d’Amiens, les lumières aux vues particulières de patriotisme, de bienfaisance et d’humanité ! Nous aimons mieux renoncer à interpréter le texte de l’Académie et avouer notre insuffisance, que de supposer dans l’esprit d’une compagnie aussi recommandable une maxime aussi erronée.

Quoi qu’il en soit de ces réflexions que nous soumettons à son propre tribunal, et dont nous la constituons juge, nous avons pensé que par ses talens et ses vertus, Gresset prêtoit doublement a l’Éloge. C’est sous ce double point de vue que le souverain lui-même l’a considéré dans les lettres de noblesse qu’il lui a plu de lui accorder ; titre plus honorable et plus flatteur que ceux qu’on ne doit qu’au hasard de la naissance ou d’une fortune qui coûte souvent bien des remords. Nous avons saisi cette occasion d’embrasser la cause des mœurs souillées par la licence et le scandale ; trop heureux, trop payé de notre zèle, trop fier de nos succès, si nous pouvions concourir avec le souverain à rappeler l’amour et la pratique des mœurs, dont il sait si bien donner l’exemple ! Ne dédaignons pas de lui associer celui d’un homme célèbre dont les talens étoient encore embellis par les vertus. Séduit par un aussi rare assemblage, nous avons osé nous présenter dans la carrière en 1783 et nous avons consacré à