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billon, et de cultiver les Muses avec moins d’empressement, n’étonnera point ceux qui auront une juste idée de son caractère.

Qu’un homme qui joint à de grands talens une ame petite et vaine, sans cesse affamé de louanges et de célébrité, passe sa vie entière à s’enivrer de cette douce fumée ; cela est dans l’ordre. Que peut-il faire de mieux ? S’il n’étoit plus Auteur, il ne seroit plus rien ; il se survivroit à lui-même, s’il cessoit de rimer et d’écrire avant sa mort ; mais une ame noble et sensible est au-dessus de la gloire que lui ont acquise ses succès littéraires. Ces brillans trophées qui sont pour l’homme vulgaire l’unique but de ses vieux et de ses travaux, ne sont pour elle que de simples amusemens ; elle est faite, pour goûter des biens plus doux et plus précieux, elle sçait aspirer à une destinée plus grande et plus digne d’elle ; celle de vivre en homme avec Dieu et la nature ; celle de jouir de sa raison dans le sein de l’amitié, de la paix et de la vertu.

Le cœur droit et sain de Gresset avoit conservé ces puissantes affections de la nature, effacées chez la plupart des hommes par le goût des biens factices qu’ont créés l’opinion et la vanité. Tel fut le mobile de sa conduite, qui dût paroitre extraordinaire, précisément parce qu’elle étoit raisonnable et trop étrangère aux principes qui déterminent les actions du vulgaire.

L’amour de la Patrie avoit fixé son séjour dans le lieu de sa naissance ; les liens qu’il y forma le lui rendirent encore plus cher. Son ame sensible lui avoit fait connoître le besoin de se choisir une compagne digne de lui ; il la trouva dans une de ces familles honorables, où le mérite et la probité sont héréditaires, et coula des jours heureux dans une tendre union, que l’inclination et l’estime avoient formée : car s’il est sur la terre un sort digne d’envie, c’est sans doute celui de l’homme de bien, qui a l’inestimable avantage de pouvoir rentrer avec délices au fond de son cœur, joint encore le charme de l’épancher dans une ame noble et pure comme la