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si gai, si ingénieux, si agréable même dans les sujets les plus graves ; Voltaire, si habile à manier la plaisanterie, à saisir et à peindre le ridicule, semble déployer par-tout le talent comique, excepté dans ses Comédies. Cette contrariété (pour le dire en passant) présente une espèce de phénomène digne de fixer l’attention d’un observateur éclairé, et qui lui fourniroit, peut-être, le plus sûr moyen de déterminer la trempe du génie de ce célèbre Écrivain.

Quoi qu’il en soit, par tant de malheureuses tentatives, Voltaire prouva que la Comédie exige de grandes ressources qui lui manquoient absolument ; et par un seul ouvrage, Gresset fit voir qu’il les réunissoit toutes dans un degré éminent. Retenu, pour ainsi dire malgré lui, dans la carrière Dramatique ; entraîné par l’amitié vers une gloire qu’il sembloit fuir, il consentit à composer une Comédie, et la Scène Françoise compta un chef-d’œuvre de plus.

Cette pièce excita au même degré l’admiration et l’envie. Une foule de gens de lettres dont elle mit l’amour-propre au désespoir, écrivit, intrigua, cabala contr’elle, et le Public l’applaudit avec transport. Les Critiques et les Cabales ont disparu, et la Pièce durera aussi long-tems que la Langue Françoise.

Je ne m’amuserai point ici à en relever les beautés ; je ne répéterai point tout ce que les gens de goût ont tant de fois observé sur la finesse et l’énergie avec lesquelles les caractères sont tracés et approfondis ; sur l’aisance, le naturel et la vivacité du dialogue ; sur la conduite de l’action, que certains Censeurs ont trouvée un peu foible et languissante, parce qu’elle étoit simple, et qui n’en mérite que plus d’éloge, puisqu’elle réunit cette qualité précieuse à l’intérêt soutenu et gradué avec le plus grand art, jusqu’au dénouement. Je n’ajouterai point que cette Pièce l’emporte, peut-être, sur nos plus belles Comédies par la vigueur, l’éclat, la facilité et les grâces du style ; qu’il n’en est aucune dont on retienne, et dont on cite plus de vers ; qui fournisse un plus grand nombre de ces traits frappans, de ces pensées à la fois