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tion et par ses ouvrages, il étoit attendu dans la Société avec impatience, et il pouvoit s’y montrer sans rien redouter de cet empressement curieux avec lequel on observe les hommes célèbres. On sçait que peu de gens de lettres ont sçu réunir, aussi bien que lui, au talent d’écrire, le don d’être aimable, qui n’accompagne pas toujours le génie. On retrouvoit dans sa conversation le plaisir que donne la lecture de ses ouvrages, et ceux qui l’ont connu avoient peine à décider le quel en lui étoit le plus sûr de plaire, ou de l’homme ou de l’auteur. Son amabilité ne tenoit pas seulement à l’enjouement et à la délicatesse de son esprit ; elle étoit surtout attachée à la simplicité de ses mœurs, à la franchise et à l’aménité de son caractère, à cette sensibilité d’une ame expansive et tendre, qui est la source de la vraie politesse et le charme le plus fort par lequel l’homme puisse attirer son semblable. Aussi, répandu, recherché dans le plus grand monde, accueilli des grands, qui s’honoroient de son amitié, chéri de tous ceux qui le connoissoient, il goûtoit, dans un âge où tous les sentimens sont vifs, tous les agrémens qu’un nom célèbre peut donner dans une capitale passionnée pour les talens ; il trouvoit dès l’entrée de sa carrière, dans ce triomphe continuel, des jouissances plus douces et plus réelles, sans doute, que ce fantôme imposant de l’immortalité, qui couronne les travaux du grand homme qui n’est plus.

Cependant de nouveaux ouvrages, dignes de la plume qui avoit tracé le Ververt et la Chartreuse, venoient de tems en tems réveiller l’attention du Public en multipliant ses plaisirs. L’imagination brillante de Gresset éclate avec toute sa pompe dans son Épître à sa Muse. Toute la sensibilité de son ame respire dans son Épître à sa sœur ; la tendre amitié qui dicta cet ouvrage y a laissé une empreinte que le génie seul n’imitera jamais. Je retrouve la même ame dans l’inexprimable douceur du pinceau qui traça l’image de la vie pastorale et des plaisirs de l’âge d’or. Non, cette expression touchante n’a pu sortir que d’un cœur pur, digne de goûter