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ÉLOGE
DE GRESSET[1]



Le véritable éloge d’un grand homme, ce sont ses actions et ses ouvrages : toute autre louange paroît assez inutile à sa gloire ; mais n’importe : c’est un beau spectacle de voir une Nation rendre des hommages solennels à ceux qui l’ont illustrée, contempler, pour ainsi dire, avec un juste orgueil, les monumens de sa splendeur et les titres de sa noblesse, et allumer une utile émulation dans le cœur de ses concitoyens par les éloges publics qu’elle décerne aux vertus et aux talens qui l’ont honorée.

Gresset étoit digne d’un tel hommage ; et à qui, Messieurs, convenoit il aussi bien qu’à vous de le lui rendre ? Sa gloire, qui brille avec éclat aux yeux de toute l’Europe, a pour vous quelque chose de plus touchant : vous la partagez avec lui. Cet illustre Poëte est né au milieu de vous, il a voulu vivre et mourir parmi vous ; vous fûtes à la fois ses compatriotes, ses amis, les compagnons de ses travaux littéraires, les témoins de sa vie privée, les spectateurs de sa vertu ; par-tout ailleurs on a admiré ses écrits ; vous avez encore connu et chéri sa personne. C’est l’amitié qui semble aujourd’hui s’unir à la Patrie pour honorer sa mémoire. En proposant son éloge à l’émulation publique, vous paroissez chercher une consolation à la douleur que vous cause sa perte dans les nouveaux monumens qu’elle s’empressera d’élever à sa gloire.

Oui, répandons des fleurs à l’envi sur la tombe du plus

  1. Texte de l’édition de 1786. L’épigraphe prise par Robespierre avait paru dans les Affiches de Picardie en juin 1777, p. 104. Longtemps après, Mercier de Compiégne l’inséra dans son Furet Littéraire et s’en attribua la paternité.