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nomma président perpétuel de l’Académie. Gresset se montra digne de cette distinction en la refusant ; et sa conduite prouva, ce me semble, sa justice et son estime pour la compagnie dont il étoit membre, autant que sa modestie. Il pensa que la dictature ne convenoit pas à la constitution d’une république littéraire, et il se seroit fait un scrupule d’accepter un titre de prééminence sur ceux dont il s’honoroit d’être l’égal.

Au défaut de cette prérogative, il lui restoit son mérite et l’admiration publique. La gloire et les récompenses sembloient le chercher dans sa retraite à proportion du peu d’empressement qu’il montroit pour elles ; aux marques d’estime dont le roi de Prusse l’avoit comblé, notre auguste monarque daigna joindre encore les preuves les plus insignes de sa bienveillance et de sa faveur.

Ce fut sans doute un jour de triomphe pour les lettres, que celui où M. le comte d’Agai, intendant de Picardie, dans une assemblée de l’Académie d’Amiens, fit publiquement la lecture des Lettres de noblesse dont Louis XVI venoit d’honorer Gresset. Cette grace, l’une des premières que ce Monarque ait accordées, n’étoit pas un des traits les moins dignes de signaler le commencement d’un règne, sur lequel la nation fondoit de si douces espérances. Quel heureux présage pour les peuples de voir le jeune prince qui alloit faire leur destin ; du haut du trône où il venoit démonter, jetter pour ainsi dire les yeux autour de lui, pour chercher les hommes illustres qui fesoient l’ornement de son empire, et distinguer dans la foule un citoien modeste et paisible, pour couronner à la fois dans sa personne et les talens et les vertus ! Il est beau, ce me semble, de voir le souverain annoncer lui-même dans le préambule des Lettres dont je parle, que Gresset doit à ce double titre cette éclatante faveur, et déclarer par là, comme à la face de sa Nation, que le génie ne peut prétendre à son estime, qu’à condition qu’il respectera lui même la religion et les mœurs.

On sçait que le Roi ajouta bientôt à cette grace un bienfait