Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 1.djvu/114

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

école publique de mauvaises mœurs peut voir avec peine qu’elle ait été sitot privée d’un génie qui dans tous ses ouvrages auroit laissé l’empreinte d’un cœur honnête et pur : mais qui osera faire un crime à l’homme de bien des sacrifices qu’il croit devoir à la délicatesse de sa conscience, et lui marquer les bornes qu’il doit donner à son amour pour la vertu ?

Que les principes de Gresset aient été trop sévères où non : peu m’importe ; ils étoient les siens, et il eut le courage de les suivre, il crut voir d’un côté sa gloire, et de l’autre son devoir ; et, comme il étoit beaucoup moins philosophe que ses détracteurs, la gloire fut immolée au devoir. Esprits fiers et sublimes, le sentiment généreux qui produisit un tel sacrifice vous paroit donc digne de vos mépris et de vos censures ? Eh ! bien je me dévoue moi même à vos épigrammes ; je déclare que ce qu’il a de grand et d’héroique rachete amplement à mes yeux le tort de n’avoir pas eu une aussi haute idée que vous des études dont vous êtes épris ; je le préfère à tous les ouvrages qui ont illustré Gresset, à tous ceux qui auroient pu l’illustrer encore ; et la gloire d’être le premier des poètes comiques ne balance point à mes yeux le mérite de sçavoir dédaigner ce titre.

Au reste, le parti que prit Gresset de se dérober au tourbillon et de cultiver les muses avec moins d’empressement n’étonnera point ceux qui auront une juste idée de son caractère. Qu’un homme qui joint à de grands talens une ame petite et vaine ; sans cesse affamé de louanges et de célébrité, passe sa vie entière à s’enivrer de cette douce fumée ; cela est dans l’ordre ; que peut il faire de mieux ? S’il n’étoit plus autheur, il ne seroit plus rien ; il se survivroit à lui même, s’il cessoit de rimer et d’écrire avant sa mort. Mais une ame noble et sensible est au-dessus de la gloire que lui ont acquise ses succès littéraires. Ces brillans trophées, qui sont pour l’homme vulgaire l’unique but de ses vœux et de ses travaux, ne sont pour elle que de simples amusemens ; elle est faite pour gouter des