Dans cette occasion, après avoir bien contemplé avec lui le soleil levant, après lui avoir fait remarquer du même côté les montagnes et les autres objets voisins, après l’avoir laissé causer là-dessus tout à son aise, gardez quelques moments le silence comme un homme qui rêve, et puis vous lui direz : Je songe qu’hier au soir le soleil s’est couché là, et qu’il s’est levé là ce matin. Comment cela peut-il se faire ? N’ajoutez rien de plus : s’il vous fait des questions, n’y répondez point ; parlez d’autre chose. Laissez-le à lui-même, et soyez sûr qu’il y pensera.
Pour qu’un enfant s’accoutume à être attentif, et qu’il soit bien frappé de quelque vérité sensible, il faut bien qu’elle lui donne quelques jours d’inquiétude avant de la découvrir. S’il ne conçoit pas assez celle-ci de cette manière, il y a moyen de la lui rendre plus sensible encore, et ce moyen c’est de retourner la question. S’il ne sait pas comment le soleil parvient de son coucher à son lever il sait au moins comment il parvient de son lever à son coucher, ses yeux seuls le lui apprennent. Eclaircissez donc la première question par l’autre : ou votre élève est absolument stupide, ou l’analogie est trop claire pour lui pouvoir échapper. Voilà sa première leçon de cosmographie.
Comme nous procédons toujours lentement d’idée sensible en idée sensible, que nous nous familiarisons longtemps avec la même avant de passer à une autre, et qu’enfin nous ne forçons jamais notre élève d’être attentif, il y a loin de cette première leçon à la connaissance du cours du soleil et de la figure de la terre : mais comme tous les mouvements apparents des corps célestes tiennent au même principe, et que la première observation mène à toutes les autres, il faut moins d’effort, quoiqu’il faille plus de temps, pour arriver d’une révolution diurne au calcul des éclipses, que pour bien comprendre le jour et la nuit.
Puisque le soleil tourne autour du monde, il décrit un cercle et tout cercle doit avoir un centre ; nous savons déjà cela. Ce centre ne saurait se voir, car il est au cœur de la terre, mais on peut sur la surface marquer deux points opposés qui lui correspondent. Une broche passant par les trois points et prolongée jusqu’au ciel de part et d’autre sera l’axe du monde et du mouvement journalier du soleil. Un toton rond tournant sur sa pointe représente le ciel tournant sur son axe ; les deux pointes du toton sont les deux pôles : l’enfant sera fort aise d’en connaître un ; je le lui montre à la queue de la Petite Ourse. Voilà de l’amusement pour la nuit ; peu à peu l’on se familiarise avec les étoiles, et de là naît le premier goût de connaître les planètes et d’observer les constellations.
Nous avons vu lever le soleil à la Saint-Jean ; nous l’allons voir aussi lever à Noël ou quelque autre beau jour d’hiver ; car on sait que nous ne sommes pas paresseux, et que nous nous faisons un jeu de braver le froid. J’ai soin de faire cette seconde observation dans le même lieu où nous avons fait la première ; et moyennant quelque adresse pour préparer la remarque, l’un ou l’autre ne manquera pas de s’écrier : Oh ! oh ! voilà qui est plaisant ! le soleil ne se lève plus à la même place ! ici sont nos anciens renseignements, et à présent il s’est levé là, etc.... Il y a donc un orient d’été, et un orient d’hiver, etc.... Jeune maître, vous voilà sur la voie. Ces exemples vous doivent suffire pour enseigner très clairement la sphère, en prenant le monde pour le monde, et le soleil pour le soleil.
En général, ne substituez jamais le signe à la chose que quand il vous est impossible de la montrer ; car le signe absorbe l’attention de l’enfant et lui fait oublier la chose représentée.
La sphère armillaire me paraît une machine mal composée et exécutée dans de mauvaises proportions. Cette confusion de cercles et les bizarres figures qu’on y marque lui donnent un air de grimoire qui effarouche l’esprit des enfants. La terre est trop petite, les cercles sont trop grands, trop nombreux ; quelques-uns, comme les colures, sont parfaitement inutiles ; chaque cercle est plus large que la terre ; l’épaisseur du carton leur donne un air de solidité qui les fait prendre pour des masses circulaires réellement existantes ; et quand vous dites à l’enfant que ces cercles sont imaginaires, il ne sait ce qu’il voit, il n’entend plus rien.
Nous ne savons jamais nous mettre à la place des enfants ; nous n’entrons pas dans leurs idées, nous leur prêtons les nôtres ; et suivant