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» Nous avons trop plaisanté, trop ri ensemble ; les larmes me font envie maintenant, et c’est d’épines et non de roses que je voudrais voir couronner ma tête. »

« — Tannhaeuser, mon brave chevalier, tu me cherches noise ; tu m’as pourtant juré plus de mille fois de ne jamais me quitter.

» Viens, passons dans ma chambrette ; là nous nous livrerons à d’amoureux ébats. Mon beau corps blanc comme le lis égaiera ta tristesse. »

« — Ô Vénus, ma belle dame, tes charmes resteront éternellement jeunes ; il brûlera autant de cœurs pour toi qu’il en a déjà brûlé.

» Mais lorsque je songe à tous ces dieux et à tous ces héros que tes appas ont charmés, alors ton beau corps blanc comme le lis commence à me répugner.

» Ton beau corps blanc comme le lis m’inspire presque du dégoût, quand je songe combien d’autres s’en réjouiront encore. »

« — Tannhaeuser, mon brave chevalier, tu ne devrais pas me parler de la sorte ; j’aimerais mieux te voir me battre, comme tu l’as fait maintes fois.

» Oui, j’aimerais mieux te voir me battre, chrétien froid et ingrat, que de m’entendre jeter à la face des insultes qui humilient mon orgueil et me brisent le cœur.