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de choses le Tribunal de Première Instance actuel. Cette Étude obscure, grasse de poussière, avait donc, comme toutes les autres, quelque chose de repoussant pour les plaideurs, et qui en faisait une des plus hideuses monstruosités parisiennes. Certes, si les sacristies humides où les prières se pèsent et se payent comme des épices, si les magasins des revendeuses où flottent des guenilles qui flétrissent toutes les illusions de la vie en nous montrant où aboutissent nos fêtes, si ces deux cloaques de la poésie n’existaient pas, une Étude d’avoué serait de toutes les boutiques sociales la plus horrible. Mais il en est ainsi de la maison de jeu, du tribunal, du bureau de loterie et du mauvais lieu. Pourquoi ? Peut-être dans ces endroits le drame, en se jouant dans l’âme de l’homme, lui rend-il les accessoires indifférents : ce qui expliquerait aussi la simplicité du grand penseur et des grands ambitieux.

— Où est mon canif ?

— Je déjeune !

— Va te faire lanlaire, voilà un pâté sur la requête !

— Chît ! messieurs.

Ces diverses exclamations partirent à la fois au moment où le vieux plaideur ferma la porte avec cette sorte d’humilité qui dénature les mouvements de l’homme malheureux. L’inconnu essaya de sourire, mais les muscles de son visage se détendirent quand il eut vainement cherché quelques symptômes d’aménité sur les visages inexorablement insouciants des six clercs. Accoutumé sans doute à juger les hommes, il s’adressa fort poliment au saute-ruisseau, en espérant que ce Pâtiras lui répondrait avec douceur.

— Monsieur, votre patron est-il visible ?

Le malicieux saute-ruisseau ne répondit au pauvre homme qu’en se donnant avec les doigts de la main gauche de petits coups répétés sur l’oreille, comme pour dire : — Je suis sourd.

— Que souhaitez-vous, monsieur ? demanda Godeschal qui tout en faisant cette question avalait une bouchée de pain avec laquelle on eût pu charger une pièce de quatre, brandissait son couteau, et se croisait les jambes en mettant à la hauteur de son œil celui de ses pieds qui se trouvait en l’air.

— Je viens ici, monsieur, pour la cinquième fois, répondit le patient. Je souhaite parler à monsieur Derville.

— Est-ce pour affaire ?

— Oui, mais je ne puis l’expliquer qu’à monsieur…