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Billardière, un des nobles Vendéens qu’il avait appris à estimer dans les mauvais jours. »

— Cette phrase est meilleure que la mienne, dit César à l’oreille de son oncle.

« Aussi, les créanciers, trouvant soixante pour cent de leurs créances par l’abandon que ce loyal négociant faisait, lui, sa femme et sa fille, de tout ce qu’ils possédaient, ont-ils consigné les expressions de leur estime dans le concordat qui intervint entre eux et leur débiteur, et par lequel ils lui faisaient remise du reste de leurs créances. Ces témoignages se recommandent à l’attention de la Cour par la manière dont ils sont conçus. » Ici l’avocat-général lut les considérants du concordat. « En présence de ces bienveillantes dispositions, Messieurs, beaucoup de négociants auraient pu se croire libérés ; ils auraient marché fiers sur la place publique. Loin de là, Birotteau, sans se laisser abattre, forma dans sa conscience le projet d’arriver au jour glorieux qui se lève ici pour lui. Rien ne l’a rebuté. Une place fut accordée par notre bien-aimé souverain pour donner du pain au blessé de Saint-Roch : le failli en réserva les appointements à ses créanciers sans y rien prendre pour ses besoins, car le dévouement de la famille ne lui a pas manqué… »

Birotteau pressa la main de son oncle en pleurant.

« Sa femme et sa fille versaient au trésor commun les fruits de leur travail, elles avaient épousé la noble pensée de Birotteau. Chacune d’elles est descendue de la position qu’elle occupait pour en prendre une inférieure. Ces sacrifices, messieurs, doivent être hautement honorés, ils sont les plus difficiles de tous à faire. Voici quelle était la tâche que Birotteau s’était imposé. » Ici l’avocat-général lut le résumé du bilan, en désignant les sommes qui restaient dues et les noms des créanciers. « Chacune de ces sommes, intérêts compris, a été payée, messieurs, non par des quittances sous signatures privées qui appellent la sévérité de l’enquête, mais par des quittances authentiques par lesquelles la religion de la Cour ne saurait être surprise, et qui n’ont pas empêché les magistrats de faire leur devoir en procédant à l’enquête exigée par la loi. Vous rendrez à Birotteau, non pas l’honneur, mais les droits dont il se trouvait privé, et vous ferez justice. De semblables spectacles sont si rares à notre audience que nous ne pouvons nous empêcher de témoigner à l’impétrant combien nous applaudissons à une telle