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ment dont les libéraux voulaient l’exploitation exclusive. La chute d’un protégé du château, d’un ministériel, d’un royaliste incorrigible qui, le 13 vendémiaire, insultait la liberté en se battant contre la glorieuse révolution française, cette chute excitait les cancans et les applaudissements de la Bourse. Pillerault voulait connaître, étudier l’opinion. Il trouva, dans un des groupes les plus animés, du Tillet, Gobenheim-Keller, Nucingen, le vieux Guillaume et son gendre Joseph Lebas, Claparon, Gigonnet, Mongenod, Camusot, Gobseck, Adolphe Keller, Palma, Chiffreville, Matifat, Grindot et Lourdois.

— Eh ! bien, quelle prudence ne faut-il pas, dit Gobenheim à du Tillet, il n’a tenu qu’à un fil que mes beaux-pères n’accordassent un crédit à Birotteau !

— Moi, j’y suis de dix mille francs qu’il m’a demandés il y a quinze jours, je les lui ai donnés sur sa simple signature, dit du Tillet. Mais il m’a jadis obligé, je les perdrai sans regret.

— Il a fait comme tous les autres, votre neveu, dit Lourdois à Pillerault, il a donné des fêtes ! Qu’un fripon essaie de jeter de la poudre aux yeux pour stimuler la confiance, je le conçois ; mais un homme qui passait pour la crème des honnêtes gens recourir aux roueries de ce vieux charlatanisme auquel nous nous prenons toujours !

— Comme des bêtes, dit Gobseck.

— N’ayez confiance qu’à ceux qui vivent dans des bouges, comme Claparon, dit Gigonnet.

Hé pien, dit le gros baron Nucingen à du Tillet, fous afez fouli meu chouer eine tire han m’enfoyant Piroddôt. Che ne sais pas birquoi, dit-il en se tournant vers Gobenheim, le manufacturier, et n’a pas enfoyé brentre chez moi zinguande mille francs, che les lui aurais remisse.

— Oh ! non, dit Joseph Lebas, monsieur le baron. Vous deviez bien savoir que la Banque avait refusé son papier, vous l’avez fait rejeter dans le comité d’escompte. L’affaire de ce pauvre homme, pour qui je professe encore une haute estime, offre des circonstances singulières…

La main de Pillerault serrait celle de Joseph Lebas.

— Il est impossible, en effet, dit Mongenod, d’expliquer ce qui arrive, à moins de croire qu’il y ait, cachés derrière Gigonnet, des banquiers qui veulent tuer l’affaire de la Madeleine.