Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, X.djvu/347

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Pauvre femme, dit César quand il la vit endormie.

— Allons, papa, du courage ! Vous êtes un homme si supérieur que vous triompherez. Ce ne sera rien. Monsieur Anselme vous aidera.

Césarine dit d’une voix douce ces vagues paroles que la tendresse adoucit encore, et qui rendent le courage aux plus abattus, comme les chants d’une mère endorment les douleurs d’un enfant tourmenté par la dentition.

— Oui, mon enfant, je vais lutter ; mais pas un mot à qui que ce soit au monde, ni à Popinot qui nous aime, ni à ton oncle Pillerault. Je vais d’abord écrire à mon frère : il est, je crois, chanoine, vicaire d’une cathédrale ; il ne dépense rien, il doit avoir de l’argent. À mille écus d’économies par an, depuis vingt ans, il doit avoir cent mille francs. En province, les prêtres ont du crédit.

Césarine, empressée d’apporter à son père une petite table et tout ce qu’il fallait pour écrire, lui donna le reste des invitations imprimées sur papier rose pour le bal.

— Brûle tout ça ! cria le négociant. Le diable seul a pu m’inspirer de donner ce bal. Si je succombe, j’aurai l’air d’un fripon. Allons, pas de phrases.

LETTRE DE CÉSAR À FRANÇOIS BIROTTEAU.
Mon cher frère,

Je me trouve dans une crise commerciale si difficile, que je te supplie de m’envoyer tout l’argent dont tu pourras disposer, fallût-il même en emprunter.

Tout à toi,César.

Ta nièce Césarine, qui me voit écrire cette lettre pendant que ma pauvre femme dort, se recommande à toi et t’envoie ses tendresses.

Ce post-scriptum fut ajouté à la prière de Césarine qui porta la lettre à Raguet.

— Mon père, dit-elle en remontant, voici monsieur Lebas qui veut vous parler.

— Monsieur Lebas, s’écria César effrayé comme si son désastre le rendait criminel, un juge !