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vous n’êtes pas maladroit. Aucune des roses que vous avez distillées ne peut lui être comparée, et peut-être est-ce parce que vous avez distillé des roses que…

— Ma foi, dit Roguin en interrompant, j’avoue ma faim.

— Eh ! bien, dînons, dit Birotteau.

— Nous allons dîner par-devant notaire, dit Claparon en se rengorgeant.

— Vous faites beaucoup d’affaires, dit Pillerault en se mettant à table auprès de Claparon avec intention.

— Excessivement, par grosses, répondit le banquier ; mais elles sont lourdes, épineuses, il y a les canaux. Oh ! les canaux ! Vous ne vous figurez pas combien les canaux nous occupent ! et cela se comprend. Le gouvernement veut des canaux. Le canal est un besoin qui se fait généralement sentir dans les départements et qui concerne tous les commerces, vous savez ! Les fleuves, a dit Pascal, sont des chemins qui marchent. Il faut donc des marchés. Les marchés dépendent de la terrasse, car il y a d’effroyables terrassements, le terrassement regarde la classe pauvre, de là les emprunts qui en définitive sont rendus aux pauvres ! Voltaire a dit : Canaux, canards, canaille ! Mais le gouvernement a ses ingénieurs qui l’éclairent ; il est difficile de le mettre dedans, à moins de s’entendre avec eux, car la Chambre !… Oh ! monsieur, la Chambre nous donne un mal ! elle ne veut pas comprendre la question politique cachée sous la question financière. Il y a mauvaise foi de part et d’autre. Croirez-vous une chose ? Les Keller, eh ! bien, François Keller est un orateur, il attaque le gouvernement à propos de fonds, à propos de canaux. Rentré chez lui, mon gaillard nous trouve avec nos propositions, elles sont favorables, il faut s’arranger avec ce gouvernement dito, tout à l’heure insolemment attaqué. L’intérêt de l’orateur et celui du banquier se choquent, nous sommes entre deux feux ! Vous comprenez maintenant comment les affaires deviennent épineuses, il faut satisfaire tant de monde : les commis, les chambres, les antichambres, les ministres…

— Les ministres ?… dit Pillerault qui voulait absolument pénétrer ce coassocié.

— Oui, monsieur, les ministres.

— Eh ! bien, les journaux ont donc raison, dit Pillerault.

— Voila mon oncle dans la politique, dit Birotteau, monsieur Claparon lui fait bouillir du lait.