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manches justes et du grand fichu à la Julie que portait madame Ragon.

— Césarine est charmante. Venez ici, la belle enfant, dit madame Ragon de sa voix de tête et d’un air protecteur.

— Ferons-nous les affaires avant le dîner ? dit l’oncle Pillerault.

— Nous attendons monsieur Claparon, dit Roguin, je l’ai laissé s’habillant.

— Monsieur Roguin, dit César, vous l’avez bien prévenu que nous dînions dans un méchant petit entresol…

— Il le trouvait superbe il y a seize ans, dit Constance en murmurant.

— Au milieu des décombres et parmi les ouvriers.

— Bah ! vous allez voir un bon enfant qui n’est pas difficile, dit Roguin.

— J’ai mis Raguet en faction dans la boutique, on ne passe plus par notre porte ; vous avez vu tout démoli, dit César au notaire.

— Pourquoi n’avez-vous pas amené votre neveu ? dit Pillerault à madame Ragon.

— Le verrons-nous, demanda Césarine.

— Non, mon cœur, dit madame Ragon. Anselme travaille, le cher enfant, à se tuer. Cette rue sans air et sans soleil, cette puante rue des Cinq-Diamants m’effraie ; le ruisseau est toujours bleu, vert ou noir. J’ai peur qu’il y périsse. Mais quand les jeunes gens ont quelque chose en tête ! dit-elle à Césarine en faisant un geste qui expliquait le mot tête par le mot cœur.

— Il a donc passé son bail, demanda César.

— D’hier et par-devant notaire, reprit Ragon. Il a obtenu dix-huit ans, mais on exige six mois d’avance.

— Eh ! bien, monsieur Ragon, êtes-vous content de moi ? fit le parfumeur. Je lui ai donné là le secret d’une découverte… enfin !

— Nous vous savons par cœur, César, dit le petit Ragon en prenant les mains de César et les lui pressant avec une religieuse amitié.

Roguin n’était pas sans inquiétude sur l’entrée en scène de Claparon, dont les mœurs et le ton pouvaient effrayer de vertueux bourgeois : il jugea donc nécessaire de préparer les esprits.

— Vous allez voir, dit-il à Ragon, à Pillerault et aux dames,