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chitecte que nous a recommandé monsieur La Billardière, pour diriger nos petits travaux ici.

Le parfumeur se cacha de sa femme pour faire un signe à l’architecte en mettant un doigt sur ses lèvres au mot petit, et l’artiste comprit.

— Constance, monsieur va prendre les mesures, les hauteurs ; laisse-le faire, ma bonne, dit Birotteau qui s’esquiva dans la rue.

— Cela sera-t-il bien cher ? dit Constance à l’architecte.

— Non, madame, six mille francs, à vue de nez…

— À vue de nez ! s’écria madame Birotteau. Monsieur, je vous en prie, ne commencez rien sans un devis et des marchés signés. Je connais les façons de messieurs les entrepreneurs : six mille veut dire vingt mille. Nous ne sommes pas en position de faire des folies. Je vous en prie, monsieur, quoique mon mari soit bien le maître chez lui, laissez-lui le temps de réfléchir.

— Madame, monsieur l’adjoint m’a dit de lui livrer les lieux dans vingt jours, et si nous tardons, vous seriez exposés à entamer la dépense sans obtenir le résultat.

— Il y a dépenses et dépenses, dit la belle parfumeuse.

— Eh ! madame, croyez-vous qu’il soit bien glorieux pour un architecte qui veut élever des monuments de décorer un appartement ? Je ne descends à ce détail que pour obliger monsieur de La Billardière, et si je vous effraie…

Il fit un mouvement de retraite.

— Bien, bien, monsieur, dit Constance en rentrant dans sa chambre, où elle se jeta la tête sur l’épaule de Césarine. Ah ! ma fille ! ton père se ruine ! Il a pris un architecte qui a des moustaches, une royale, et qui parle de construire des monuments ! Il va jeter la maison par les fenêtres pour nous bâtir un Louvre. César n’est jamais en retard pour une folie ; il m’a parlé de son projet cette nuit, il l’exécute ce matin.

— Bah ! maman, laisse faire à papa, le bon Dieu l’a toujours protégé, dit Césarine en embrassant sa mère et se mettant au piano pour montrer à l’architecte que la fille d’un parfumeur n’était pas étrangère aux beaux-arts.

Quand l’architecte entra dans la chambre à coucher, il fut surpris de la beauté de Césarine, et resta presque interdit. Sortie de sa chambrette en déshabillé du matin, Césarine, fraîche et rose comme une jeune fille est rose et fraîche à dix-huit ans, blonde et mince,