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tistes. L’architecture est la réunion de tous les arts, je me suis laissé dire cela. Ne passons point par la boutique, ajouta-t-il en montrant la fausse porte cochère de sa maison.

Quatre ans auparavant, monsieur Grindot avait remporté le grand prix d’architecture, il revenait de Rome après un séjour de trois ans aux frais de l’État. En Italie le jeune artiste songeait à l’art, à Paris il songeait à la fortune. Le gouvernement peut seul donner les millions nécessaires à un architecte pour édifier sa gloire ; en revenant de Rome, il est si naturel de se croire Fontaine ou Percier que tout architecte ambitieux incline au ministérialisme : le pensionnaire libéral, devenu royaliste, tâchait donc de se faire protéger par les gens influents. Quand un grand prix se conduit ainsi, ses camarades l’appellent un intrigant. Le jeune architecte avait deux partis à prendre ; servir le parfumeur ou le mettre à contribution. Mais Birotteau l’adjoint, Birotteau le futur possesseur par moitié des terrains de la Madeleine, autour de laquelle tôt ou tard il se bâtirait un beau quartier, était un homme à ménager. Grindot immola donc le gain présent aux bénéfices à venir. Il écouta patiemment les plans, les redites, les idées d’un de ces bourgeois, cible constante des traits, des plaisanteries de l’artiste, éternel objet de ses mépris, et suivit le parfumeur en hochant la tête pour saluer ses idées. Quand le parfumeur eut bien tout expliqué, le jeune architecte essaya de lui résumer à lui-même son plan.

— Vous avez à vous trois croisées de face sur la rue, plus la croisée perdue sur l’escalier et prise par le palier. Vous ajoutez à ces quatre croisées les deux qui sont de niveau dans la maison voisine en retournant l’escalier pour aller de plain-pied dans tout l’appartement, du côté de la rue.

— Vous m’avez parfaitement compris, dit le parfumeur étonné.

— Pour réaliser votre plan, il faut éclairer par en haut le nouvel escalier, et ménager une loge de portier sous le socle.

— Un socle…

— Oui, c’est la partie sur laquelle reposera…

— Je comprends, monsieur.

— Quant à votre appartement, laissez-moi carte blanche pour le distribuer et le décorer. Je veux le rendre digne…

— Digne ! Vous avez dit le mot, monsieur.