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loyers étant peu chers à l’époque où il vint dans ce quartier, afin d’être au centre des colléges et de surveiller l’éducation de ses enfants. D’ailleurs, l’état dans lequel il prit des lieux où tout était à réparer avait nécessairement décidé le propriétaire à se montrer fort accommodant. Monsieur d’Espard avait donc pu, sans être taxé de folie, faire chez lui quelques dépenses pour s’y établir convenablement. La hauteur des pièces, leur disposition, leurs boiseries dont les cadres seuls subsistaient, l’agencement des plafonds, tout respirait cette grandeur que le Sacerdoce a imprimée aux choses entreprises ou créées par lui, et que les artistes retrouvent aujourd’hui dans les plus légers fragments qui en subsistent, ne fût-ce qu’un livre, un habillement, un pan de bibliothèque, ou quelque fauteuil. Les peintures ordonnées par le marquis offraient ces tons bruns aimés par la Hollande, par l’ancienne bourgeoisie parisienne, et qui fournissent aujourd’hui de beaux effets aux peintres de genre. Les panneaux étaient tendus de papiers unis qui s’accordaient avec les peintures. Les fenêtres avaient des rideaux d’étoffe peu coûteuse, mais choisie de manière à produire un effet en harmonie avec l’aspect général. Les meubles étaient rares et bien distribués. Quiconque entrait dans cette demeure ne pouvait se défendre d’un sentiment doux et paisible, inspiré par le calme profond, par le silence qui y régnait, par la modestie et par l’unité de la couleur, en donnant à cette expression le sens qu’y attachent les peintres. Une certaine noblesse dans les détails, l’exquise propreté des meubles, un accord parfait entre les choses et les personnes, tout amenait sur les lèvres le mot suave. Peu de personnes étaient admises dans ces appartements habités par le marquis et ses deux fils, dont l’existence pouvait sembler mystérieuse à tout le voisinage. Dans un des corps de logis en retour sur la rue, au troisième étage, il existe trois grandes chambres qui restaient dans l’état de délabrement et de nudité grotesque où les avait mises l’imprimerie. Ces trois pièces, destinées à l’exploitation de l’Histoire pittoresque de la Chine, étaient disposées de manière à contenir un bureau, un magasin et un cabinet où se tenait monsieur d’Espard pendant une partie de la journée, car après le déjeuner, jusqu’à quatre heures du soir, le marquis demeurait dans son cabinet, au troisième étage, pour surveiller la publication qu’il avait entreprise. Les personnes qui venaient le voir le trouvaient habituellement là. Souvent, au retour de leurs classes, ses deux