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sa qualité (On se loge comme on veut !) ; qu’il y détient ses deux enfants, le comte Clément d’Espard, et le vicomte Camille d’Espard, dans les habitudes d’une vie en désaccord avec leur avenir, avec leur nom et leur fortune, que souvent le manque d’argent est tel, que récemment le propriétaire, un sieur Mariast, fit saisir les meubles garnissant les lieux ; que quand cette voie de poursuite fut effectuée en sa présence, le marquis d’Espard a aidé l’huissier, qu’il a traité comme un homme de qualité, en lui prodiguant toutes les marques de courtoisie et d’attention qu’il aurait eues pour une personne élevée au-dessus de lui en dignité… »

L’oncle et le neveu se regardèrent en riant.

« Que, d’ailleurs, tous les actes de sa vie, en dehors des faits allégués à l’égard de la dame veuve Jeanrenaud et du sieur baron Jeanrenaud son fils, sont empreints de folie ; que, depuis bientôt dix ans, il s’occupe si exclusivement de la Chine, de ses coutumes, de ses mœurs, de son histoire, qu’il rapporte tout aux habitudes chinoises ; que, questionné sur ce point, il confond les affaires du temps, les événements de la veille, avec les faits relatifs à la Chine ; qu’il censure les actes du gouvernement et la conduite du Roi, quoique d’ailleurs il l’aime personnellement, en les comparant à la politique chinoise.

« Que cette monomanie a poussé le marquis d’Espard à des actions dénuées de sens ; que, contre les habitudes de son rang et les idées qu’il professait sur le devoir de la noblesse, il a entrepris une affaire commerciale pour laquelle il souscrit journellement des obligations à terme qui menacent aujourd’hui son honneur et sa fortune, attendu qu’elles emportent pour lui la qualité de négociant, et peuvent, faute de payement, le faire déclarer en faillite ; que ces obligations, contractées envers les marchands de papier, les imprimeurs, les lithographes et les coloristes, qui ont fourni les éléments nécessaires à cette publication intitulée : Histoire pittoresque de la Chine, et paraissant par livraisons, sont d’une telle importance, que ces mêmes fournisseurs ont supplié l’exposante de requérir l’interdiction du marquis d’Espard afin de sauver leurs créances… »

— Cet homme est un fou, s’écria Bianchon.

— Tu crois cela, toi ! dit le juge. Il faut l’entendre. Qui n’écoute qu’une cloche n’entend qu’un son.

— Mais il me semble….., dit Bianchon.