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II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

de La Baudraye, à l’insu d’Étienne qui, de son côté, courait à une imprimerie faire composer ce billet :

Madame la baronne de La Baudraye est heureusement accouchée d’un garçon.

Monsieur Étienne Lousteau a le plaisir de vous en faire part.

La mère et l’enfant se portent bien.

Un premier envoi de soixante billets avait été fait par Lousteau, quand monsieur de Clagny, qui venait savoir des nouvelles de l’accouchée, aperçut la liste des personnes de Sancerre à qui Lousteau se proposait d’envoyer ce curieux billet de faire part, écrite au-dessous des soixante Parisiens qui l’allaient recevoir. Le Substitut saisit la liste et le reste des billets, il les montra d’abord à madame Piédefer en lui disant de ne pas souffrir que Lousteau recommençât cette infâme plaisanterie, et il se jeta dans un cabriolet. Le dévoué magistrat commanda chez le même imprimeur un autre billet ainsi conçu :

Madame la baronne de La Baudraye est heureusement accouchée d’un garçon.

Monsieur le baron Melchior de La Baudraye a l’honneur de vous en faire part.

La mère et l’enfant se portent bien.

Après avoir fait détruire épreuves, composition, tout ce qui pouvait attester l’existence du premier billet, monsieur de Clagny se mit en course pour intercepter les billets partis ; il en substitua beaucoup chez les portiers, il obtint la restitution d’une trentaine ; enfin, après trois jours de courses, il n’existait plus qu’un seul billet de faire part, celui de Nathan. Le Substitut était revenu cinq fois chez cet homme célèbre sans pouvoir le rencontrer. Quand, après avoir demandé un rendez-vous, monsieur de Clagny fut reçu, l’anecdote du billet de faire part avait couru dans Paris ; les uns la prenaient pour une de ces spirituelles calomnies, espèce de plaie à laquelle sont sujettes toutes les réputations, même les éphémères ; les autres affirmaient avoir lu le billet et l’avoir rendu à un ami de la famille La Baudraye ; beaucoup de gens déblatéraient contre l’immoralité des journalistes, en sorte que le dernier billet existant était devenu comme une curiosité. Florine, avec qui Nathan vivait, l’avait montré timbré de la poste, affranchi par la poste, et portant l’adresse