nérable abbé Chapeloud. Quant à lui, sans doute, il pouvait bien, ajouta-t-il, devenir l’arbitre entre le vicaire et leur hôtesse, parce que son amitié pour elle ne dépassait pas les bornes imposées par les lois de l’Église à ses fidèles serviteurs ; mais alors la justice exigeait qu’il entendît aussi mademoiselle Gamard. » — Que, d’ailleurs, il ne trouvait rien de changé en elle ; qu’il l’avait toujours vue ainsi ; qu’il s’était volontiers soumis à quelques-uns de ses caprices, sachant que cette respectable demoiselle était la bonté, la douceur même ; qu’il fallait attribuer les légers changements de son humeur aux souffrances causées par une pulmonie dont elle ne parlait pas, et à laquelle elle se résignait en vraie chrétienne… Il finit en disant au vicaire, que « pour peu qu’il restât encore quelques années auprès de mademoiselle, il saurait mieux l’apprécier, et reconnaître les trésors de cet excellent caractère. »
L’abbé Birotteau sortit confondu. Dans la nécessité fatale où il se trouvait de ne prendre conseil que de lui-même, il jugea mademoiselle Gamard d’après lui. Le bonhomme crut, en s’absentant pendant quelques jours, éteindre, faute d’aliment, la haine que lui portait cette fille. Donc il résolut d’aller, comme jadis, passer plusieurs jours à une campagne où madame de Listomère se rendait à la fin de l’automne, époque à laquelle le ciel est ordinairement pur et doux en Touraine. Pauvre homme ! il accomplissait précisément les vœux secrets de sa terrible ennemie, dont les projets ne pouvaient être déjoués que par une patience de moine ; mais, ne devinant rien, ne sachant point ses propres affaires, il devait succomber comme un agneau, sous le premier coup du boucher.
Située sur la levée qui se trouve entre la ville de Tours et les hauteurs de Saint-Georges, exposée au midi, entourée de rochers, la propriété de madame de Listomère offrait les agréments de la campagne et tous les plaisirs de la ville. En effet, il ne fallait pas plus de dix minutes pour venir du pont de Tours à la porte de cette maison, nommée l’Alouette ; avantage précieux dans un pays où personne ne veut se déranger pour quoi que ce soit, même pour aller chercher un plaisir. L’abbé Birotteau était à l’Alouette depuis environ dix jours, lorsqu’un matin, au moment du déjeuner, le concierge vint lui dire que monsieur Caron désirait lui parler. Monsieur Caron était un avocat chargé des affaires de mademoiselle Gamard. Birotteau ne s’en souvenant pas et ne se connaissant aucun point litigieux à démêler avec qui que ce fût au monde,