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II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

donné par cette fille dès qu’il lui aura signé la procuration qu’elle lui demande pour se vendre à elle-même une inscription de cinquante mille livres de rente ! En écrivant cette lettre, ne verra-t-il pas revenir cette nuit, sous son toit, la belle fuyarde ?… Je promets de rendre mademoiselle Brazier souple comme un jonc pour le reste de ses jours, si mon oncle veut me laisser prendre la place de monsieur Gilet, que je trouve plus que déplacé ici. Ai-je raison ?… Et mon oncle se lamente.

— Mon voisin, dit monsieur Hochon, vous avez pris le meilleur moyen pour avoir la paix chez vous. Si vous m’en croyez, vous supprimerez votre testament, et vous verrez Flore redevenir pour vous ce qu’elle était dans les premiers jours.

— Non, car elle ne me pardonnera pas la peine que je vais lui faire, dit le vieillard en pleurant, elle ne m’aimera plus.

— Elle vous aimera, et dru, je m’en charge, dit Philippe.

— Mais ouvrez donc les yeux ? fit monsieur Hochon à Rouget. On veut vous dépouiller et vous abandonner…

— Ah ! si j’en étais sûr !… s’écria l’imbécile.

— Tenez, voici une lettre que Maxence a écrite à mon petit-fils Borniche, dit le vieil Hochon. Lisez !

— Quelle horreur ! s’écria Carpentier en entendant la lecture de la lettre que Rouget fit en pleurant.

— Est-ce assez clair, mon oncle ? demanda Philippe. Allez, tenez-moi cette fille par l’intérêt, et vous serez adoré… comme vous pouvez l’être : moitié fil, moitié coton.

— Elle aime trop Maxence, elle me quittera, fit le vieillard en paraissant épouvanté.

— Mais, mon oncle, Maxence ou moi, nous ne laisserons pas après demain la marque de nos pieds sur les chemins d’Issoudun…

— Eh ! bien, allez, monsieur Carpentier, reprit le bonhomme, si vous me promettez qu’elle reviendra, allez ! Vous êtes un honnête homme, dites-lui tout ce que vous croirez devoir dire en mon nom…

— Le capitaine Carpentier lui soufflera dans l’oreille que je fais venir de Paris une femme dont la jeunesse et la beauté sont un peu mignonnes, dit Philippe Bridau, et la drôlesse reviendra ventre à terre !

Le capitaine partit en conduisant lui-même la vieille calèche, il fut accompagné de Benjamin à cheval, car on ne trouva plus Kouski.