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LES CÉLIBATAIRES : UN MÉNAGE DE GARÇON.

— Dieu soit loué ! fit monsieur Hochon, la succession de cet imbécile est sauvée des griffes de ces diables-là !

— Cela sera si vous le dites, fit madame Hochon, et j’en remercie Dieu, qui sans doute aura exaucé mes prières. Le triomphe des méchants est toujours passager.

— Vous irez à Vatan, vous accepterez la procuration de monsieur Rouget, dit le vieillard à Baruch. Il s’agit de mettre cinquante mille francs de rente au nom de mademoiselle Brazier. Vous partirez bien pour Paris ; mais vous resterez à Orléans, où vous attendrez un mot de moi. Ne faites savoir à qui que ce soit où vous logerez, et logez-vous dans la dernière auberge du faubourg Bannier, fût-ce une auberge à roulier…

— Ah ! bien, fit François que le bruit d’une voiture dans la Grande-Narrette avait fait se précipiter à la fenêtre, voici du nouveau : le père Rouget et monsieur Philippe Bridau reviennent ensemble dans la calèche, Benjamin et monsieur Carpentier les suivent à cheval !…

— J’y vais, s’écria monsieur Hochon dont la curiosité l’emporta sur tout autre sentiment.

Monsieur Hochon trouva le vieux Rouget écrivant dans sa chambre cette lettre que son neveu lui dictait :

« Mademoiselle,

« Si vous ne partez pas, aussitôt cette lettre reçue, pour revenir chez moi, votre conduite marquera tant d’ingratitude pour mes bontés, que je révoquerai le testament fait en votre faveur en donnant ma fortune à mon neveu Philippe. Vous comprenez aussi que monsieur Gilet ne doit plus être mon commensal, dès qu’il se trouve avec vous à Vatan. Je charge monsieur le capitaine Carpentier de vous remettre la présente, et j’espère que vous écouterez ses conseils, car il vous parlera comme ferait

Votre affectionné,
J.-J. Rouget. »

— Le capitaine Carpentier et moi nous avons rencontré mon oncle, qui faisait la sottise d’aller à Vatan retrouver mademoiselle Brazier et le commandant Gilet, dit avec une profonde ironie Philippe à monsieur Hochon. J’ai fait comprendre à mon oncle qu’il courait donner tête baissée dans un piége : ne sera-t-il pas aban-