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LES CÉLIBATAIRES : UN MÉNAGE DE GARÇON.

dans lequel trempaient bien des personnages, on ne livra qu’un détail à la Cour des Pairs. Philippe Bridau consentit à couvrir ces chefs, qui disparaissaient au moment où les complots se découvraient soit par quelque trahison, soit par un effet du hasard, et qui, siégeant dans les Chambres, ne promettaient leur coopération que pour compléter la réussite au cœur du gouvernement. Dire le plan que, depuis 1830, les aveux des Libéraux ont déployé dans toute sa profondeur, et dans ses ramifications immenses dérobées aux initiés inférieurs, ce serait empiéter sur le domaine de l’histoire et se jeter dans une trop longue digression. Cet aperçu suffit à faire comprendre le double rôle accepté par Philippe. L’ancien officier d’ordonnance de l’Empereur devait diriger un mouvement projeté dans Paris, uniquement pour masquer la véritable conspiration et occuper le gouvernement au cœur quand elle éclaterait dans le nord. Philippe fut alors chargé de rompre la trame entre les deux complots en ne livrant que les secrets d’un ordre secondaire ; l’effroyable dénûment dont témoignaient son costume et son état de santé, servit puissamment à déconsidérer, à rétrécir l’entreprise aux yeux du pouvoir. Ce rôle convenait à la situation précaire de ce joueur sans principes. En se sentant à cheval sur deux partis, le rusé Philippe fit le bon apôtre avec le gouvernement royal et conserva l’estime des gens haut placés de son parti ; mais en se promettant bien de se jeter plus tard dans celle des deux voies où il trouverait le plus d’avantages.

Ces révélations sur la portée immense du véritable complot, sur la participation de quelques-uns des juges, firent de Philippe, aux yeux de Carpentier et de Mignonnet, un homme de la plus haute distinction, car son dévouement révélait un politique digne des beaux jours de la Convention. Aussi le rusé bonapartiste devint-il en quelques jours l’ami des deux officiers dont la considération dut rejaillir sur lui. Il eut aussitôt, par la recommandation de messieurs Mignonnet et Carpentier, la place indiquée par le vieil Hochon à l’Assurance Mutuelle du Département du Cher. Chargé de tenir des registres comme chez un percepteur, de remplir de noms et de chiffres des lettres tout imprimées et de les expédier, de faire des polices d’Assurance, il ne fut pas occupé plus de trois heures par jour. Mignonnet et Carpentier firent admettre l’hôte d’Issoudun à leur Cercle où son attitude et ses manières, en harmonie d’ailleurs avec la haute opinion que Mignonnet et Carpentier donnaient de ce