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LES CÉLIBATAIRES : UN MÉNAGE DE GARÇON.

— Ils sont partis, dit François Hochon en entrant avec la Rabouilleuse dans la chambre de Max.

— Hé ! bien, le tour est fait, répondit Max abattu par la fièvre.

— Mais qu’as-tu dit au père Mouilleron ? lui demanda François.

— Je lui ai dit que j’avais presque donné le droit à mon assassin de m’attendre au coin d’une rue, que cet homme était de caractère, si l’on poursuivait l’affaire, à me tuer comme un chien avant d’être arrêté. En conséquence j’ai prié Mouilleron et Prangin de se livrer ostensiblement aux plus actives recherches, mais de laisser mon assassin tranquille, à moins qu’ils ne voulussent me voir tuer.

— J’espère, Max, dit Flore, que pendant quelque temps vous allez vous tenir tranquilles la nuit.

— Enfin, nous sommes délivrés des Parisiens, s’écria Max. Celui qui m’a frappé ne savait guère nous rendre un si grand service.

Le lendemain, à l’exception des personnes excessivement tranquilles et réservées qui partageaient les opinions de monsieur et madame Hochon, le départ des Parisiens, quoique dû à une déplorable méprise, fut célébré par toute la ville comme une victoire de la Province contre Paris. Quelques amis de Max s’exprimèrent assez durement sur le compte des Bridau.

— Eh ! bien, ces Parisiens s’imaginaient que nous sommes des imbéciles, et qu’il n’y a qu’à tendre son chapeau pour qu’il y pleuve des successions !…

— Ils étaient venus chercher de la laine, mais ils s’en retournent tondus, car le neveu n’est pas au goût de l’oncle.

— Et, s’il vous plaît, ils avaient pour conseil un avoué de Paris…

— Ah ! ils avaient formé un plan ?

— Mais, oui, le plan de se rendre maîtres du père Rouget ; mais les Parisiens ne se sont pas trouvés de force, et l’avoué ne se moquera pas des Berrichons…

— Savez-vous que c’est abominable ?…

— Voilà les gens de Paris !…

— La Rabouilleuse s’est vue attaquée, elle s’est défendue.

— Et elle a joliment bien fait…

Pour toute la ville, les Bridau étaient des Parisiens, des étrangers : on leur préférait Max et Flore.

On peut imaginer la satisfaction avec laquelle Agathe et Joseph rentrèrent dans leur petit logement de la rue Mazarine, après cette campagne. L’artiste avait repris en voyage sa gaieté troublée par la