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LES CÉLIBATAIRES : UN MÉNAGE DE GARÇON.

— Où est-il, ce sacré Parisien ?… Trouvons-le !… cria-t-on.

— Le trouver ?… répondit-on, il est sorti de chez monsieur Hochon au petit jour.

Un Chevalier de la Désœuvrance courut aussitôt chez monsieur Mouilleron. La foule augmentait toujours, et le bruit des voix devenait menaçant. Des groupes animés occupaient toute la Grande-Narette. D’autres stationnaient devant l’église Saint-Jean. Un rassemblement occupait la porte Villate, endroit où fuit la Petite-Narette. On ne pouvait plus passer au-dessus et au-dessous de la place Saint-Jean. Vous eussiez dit la queue d’une procession. Aussi messieurs Lousteau-Prangin et Mouilleron, le commissaire de police, le lieutenant de gendarmerie et son brigadier accompagné de deux gendarmes eurent-ils quelque peine à se rendre à la place Saint-Jean où ils arrivèrent entre deux haies de gens dont les exclamations et les cris pouvaient et devaient les prévenir contre le Parisien si injustement accusé, mais contre qui les circonstances plaidaient.

Après une conférence entre Max et les magistrats, monsieur Mouilleron détacha le commissaire de police et le brigadier avec un gendarme pour examiner ce que dans la langue du Ministère public on nomme le théâtre du crime. Puis messieurs Mouilleron et Lousteau-Prangin, accompagnés du lieutenant de gendarmerie, passèrent de chez le père Rouget à la maison Hochon, qui fut gardée au bout du jardin par deux gendarmes et par deux autres à la porte. La foule croissait toujours. Toute la ville était en émoi dans la Grand’rue.

Gritte s’était déjà précipitée chez son maître tout effarée et lui avait dit : — Monsieur, on va vous piller !… Toute la ville est en révolution, monsieur Maxence Gilet est assassiné, il va trépasser !… et l’on dit que c’est monsieur Joseph qui a fait le coup !

Monsieur Hochon s’habilla promptement et descendit ; mais, devant une populace furieuse, il était rentré subitement en verrouillant sa porte. Après avoir questionné Gritte, il sut que son hôte était sorti dès le petit jour, s’était promené toute la nuit dans une grande agitation, et ne rentrait pas. Effrayé, il alla chez madame Hochon que le bruit venait d’éveiller, et à laquelle il apprit l’effroyable nouvelle qui, vraie ou fausse, ameutait tout Issoudun sur la place Saint-Jean.

— Il est certainement innocent ! dit madame Hochon.

— Mais, en attendant que son innocence soit reconnue, on peut