Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, VI.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
216
II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

— Et moi, j’offre un petit singe, lequel se grisera de blé, fit un novice.

— Mauvais ! fit Max. On saurait d’où viennent ces animaux.

— On peut y amener pendant la nuit, dit le fils Beaussier, un pigeon pris à chacun des pigeonniers des fermes voisines, en le faisant passer par une trouée ménagée dans la couverture, et il y aura bientôt plusieurs milliers de pigeons.

— Donc, pendant une semaine, le magasin à Fario est à l’Ordre de Nuit, s’écria Gilet en souriant au grand Beaussier fils. Vous savez qu’on se lève de bonne heure à Saint-Paterne. Que personne n’y aille sans avoir mis au rebours les semelles de ses chaussons de lisière. Le chevalier Beaussier, inventeur des pigeons, en a la direction. Quant à moi, je prendrai le soin de signer mon nom dans les tas de blé. Soyez, vous, les maréchaux-des-logis de messieurs les rats. Si le garçon de magasin couche aux Capucins, il faudra le faire griser par des camarades, et adroitement, afin de l’emmener loin du théâtre de cette orgie offerte aux animaux rongeurs.

— Tu ne nous dis rien des Parisiens ? demanda le fils Goddet.

— Oh ! fit Max, il faut les étudier. Néanmoins, j’offre mon beau fusil de chasse qui vient de l’Empereur, un chef-d’œuvre de la manufacture de Versailles, il vaut deux mille francs, à quiconque trouvera les moyens de jouer un tour à ces Parisiens qui les mette si mal avec monsieur et madame Hochon, qu’ils soient renvoyés par ces deux vieillards, ou qu’ils s’en aillent d’eux-mêmes, sans, bien entendu, nuire par trop aux ancêtres de mes deux amis Baruch et François.

— Ca va ! j’y songerai, dit le fils Goddet, qui aimait la chasse à la passion.

— Si l’auteur de la farce ne veut pas de mon fusil, il aura mon cheval ! fit observer Maxence.

Depuis ce souper, vingt cerveaux se mirent à la torture pour ourdir une trame contre Agathe et son fils, en se conformant à ce programme. Mais le diable seul ou le hasard pouvait réussir, tant les conditions imposées rendaient la chose difficile.

Le lendemain matin, Agathe et Joseph descendirent un moment avant le second déjeuner, qui se faisait à dix heures. On donnait le nom de premier déjeuner à une tasse de lait accompagnée d’une tartine de pain beurrée qui se prenait au lit ou au sortir du lit. En attendant madame Hochon qui malgré son âge accomplissait mi-