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II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

sept cent cinquante mille francs du bonhomme sur le grand livre à 89 !… Seulement essaie de les faire mettre en ton nom. Ce sera toujours cela de sauvé !

— Une fameuse idée, dit Flore.

— Et, comme on aura cinquante mille francs de rentes pour huit cent quatre-vingt-dix mille francs, il faudrait lui faire emprunter cent quarante mille francs pour deux ans, à rendre par moitié. En deux ans, nous toucherons cent mille francs de Paris, et quatre-vingt-dix ici, nous ne risquons donc rien.

— Sans toi, mon beau Max, que serions-nous devenus ? dit-elle.

— Oh ! demain soir, chez la Cognette, après avoir vu les Parisiens, je trouverai les moyens de les faire congédier par les Hochon eux-mêmes.

— As-tu de l’esprit, mon ange ! Tiens, tu es un amour d’homme.

La place Saint-Jean est située au milieu d’une rue appelée Grande-Narette dans sa partie supérieure, et Petite-Narette dans l’inférieure. En Berry, le mot Narette exprime la même situation de terrain que le mot génois salita, c’est à dire une rue en pente roide. La Narette est très rapide de la place Saint-Jean à la porte Vilatte. La maison du vieux monsieur Hochon est en face de celle où demeurait Jean-Jacques Rouget. Souvent on voyait, par celle des fenêtres de la salle où se tenait madame Hochon, ce qui se passait chez le père Rouget, et vice-versa, quand les rideaux étaient tirés ou que les portes restaient ouvertes. La maison de monsieur Hochon ressemble tant à celle de Rouget, que ces deux édifices furent sans doute bâtis par le même architecte. Hochon, jadis receveur des Tailles à Selles en Berry, né d’ailleurs à Issoudun, était revenu s’y marier avec la sœur du Subdélégué, le galant Lousteau, en échangeant sa place de Selles contre la recette d’Issoudun. Déjà retiré des affaires en 1786, il évita les orages de la Révolution, aux principes de laquelle il adhéra d’ailleurs pleinement, comme tous les honnêtes gens qui hurlent avec les vainqueurs. Monsieur Hochon ne volait pas sa réputation de grand avare. Mais ne serait-ce pas s’exposer à des redites que de le peindre ? Un des traits d’avarice qui le rendirent célèbre suffira sans doute pour vous expliquer monsieur Hochon tout entier.

Lors du mariage de sa fille, alors morte, et qui épousait un Borniche, il fallut donner à dîner à la famille Borniche. Le prétendu, qui devait hériter d’une grande fortune, mourut de chagrin d’avoir